L’arrachage des pommiers, seule issue face à la casse des prix

Les producteurs dénoncent un prix d’achat de 0,3 €/kg alors que leur prix de revient est de 0,5 €/kg. Les transformateurs sont aussi dans leur viseur, ainsi que la « francisation » des pommes importées. La filière redoute un vaste plan d’arrachage.

« Producteurs dépouillés jusqu’au trognon » : tels sont les sticks que des producteurs de pommes ont collés le 14 janvier dans les étals de supermarchés de plusieurs départements, dans le Vaucluse et dans le Maine-et-Loire ou encore en Haute-Vienne et dans les Hautes-Alpes. Dans le Tarn-et-Garonne, une mini-pelle était aussi à l’œuvre dans un verger pour procéder à l’arrachage des pommiers. « Avec un prix d’achat bord de champ de 30 centimes du kilo et un prix de revient moyen de 50 centimes, on n’a pas d’autre choix », déclare Patrice Raujol, arboriculteur à Nègrepelisse (Tarn-et-Garonne).

Les arboriculteurs répondaient à l’appel de l’Association nationale pommes poires (ANPP) et de la Fédération nationale des producteurs de fruits (FNPF) qui dénoncent les conditions de commercialisation de la campagne en cours. Selon ces deux organisations, le prix moyen de la Gala calibre 115/150 origine Sud-Est vendue en supermarché s’élève actuellement à 0,71 €/kg alors qu’il était de 0,84 €/kg (en euros constants) durant la période 2018-2022.

Transformateurs, distributeurs et pouvoirs publics dans le même panier

La grande distribution n’est pas la seule pècheresse. Les transformateurs sont aussi pointés du doigt. « Les gros compotiers n’ont jamais rien dit de la part que représentait la matière première dans le produit fini, déclare Patrice Raujol. Mais quand on voit le prix des gourdes en magasin et les 10 centimes qu’ils nous paient du kilo, il y a de quoi s’interroger ».

"Les pommes sont polonaises dans le camion et sur le quai, elles sont françaises"

L’Etat en prend aussi pour son grade. « Dès novembre, à l’occasion de sa visite dans le Tarn-et-Garonne, nous avions informé le ministre de l’Agriculture de la situation mais rien n’a bougé depuis, déplore l’arboriculteur. Au plus haut sommet de l’Etat, on parle de souveraineté alimentaire, de renouvellement des générations et dans les faits, sur le terrain, c’est tout le contraire. Comment voulez-vous donner à des jeunes le goût de venir dans nos métiers quand on galère comme ça » ?

Ce dernier songe sérieusement à arracher une partie de son verger pour minimiser les pertes. « Une fausse solution, confesse Patrice Raujol, car nos emprunts et nos infrastructures sont basées sur un certain chiffre d’affaires ». A propos des importations, les professionnels dénoncent la pratique de la « francisation ». « Les pommes sont polonaises dans le camion et sur le quai, elles sont françaises, affirme l’arboriculteur. Ça rentre plein fer ».

La loi Egalim pas adaptée

Face à ces pratiques, la loi Egalim, censée inverser le mécanisme de construction du prix, peine à rivaliser. « Qui va s’engager sur un volume et sur un prix face à des aléas climatiques qui, dans notre secteur, peuvent faire varier du tout au tout les rendements et les cours. Pourquoi nous, paysans, il faudrait que l’on travaille à perte ? C’est vrai que la particularité du monde agricole, c’est de produire avant de vendre ».  

Selon l’ANPP et la FNPF, si la production des arboriculteurs n’est pas rémunérée au juste prix, les premiers arrachages de vergers de pommiers qui ont symboliquement eu lieu le 14 janvier marquent « le début de la fin du verger français de pommiers ». « Une pomme que l’on ne produit pas en France se produit ailleurs de toute façon », se désole Patrice Raujol. Son exploitation génère 30 équivalents temps plein.