Agriculture: sanctions accrues contre les acheteurs indélicats votées à l'Assemblée

Les députés ont adopté jeudi à la quasi-unanimité un durcissement des sanctions contre les acheteurs qui ne respecteraient pas leurs obligations contractuelles vis-à-vis des agriculteurs en portant celles-ci à un plafond de 2% du chiffre d'affaires.

Le projet de loi agriculture et alimentation prévoyait initialement une amende d'un plafond de 75.000 euros aussi bien pour le producteur que l'acheteur qui ne respecterait pas le contrat les liant. Mais si cette somme peut être "considérable pour un petit exploitant", elle "est négligeable pour "Lactalis, Bigard, Auchan ou Carrefour", a souligné le communiste Sébastien Jumel. Aussi les députés ont adopté des amendements LREM-Modem (les autres groupes avaient déposé des amendements proches) fixant un pourcentage du chiffre d'affaires, en l'occurrence 2%, comme plafond de la sanction afin d'appliquer des sanctions beaucoup plus dissuasives pour les centrales d'achat.  

"A l'inverse, ce pourcentage est de nature à rassurer les producteurs qui ne pourront pas se voir infliger une sanction disproportionnée par rapport à leur chiffre d'affaires", a expliqué Monique Limon (LREM).  "2% du chiffre d'affaires, c'est 3.500 euros en moyenne pour un producteur laitier. Mais pour un acheteur, ca peut aller pour une PME de 200.000 euros jusque 47 millions pour les plus gros industriels de la viande ou du lait", a souligné le ministre de l'agriculture Stéphane Travert. "Ce n'est pas peanuts", a renchéri le président de la commission des Affaires économiques Roland Lescure (LREM) alors que le socialiste Dominique Potier relativisait ce pourcentage, refusant de "pleurer sur un géant du lait".  

"name and shame"

Dans l'esprit du "name and shame", la publication des sanctions sera systématique en cas de réitération du manquement dans un délai de deux mois. Pour Vincent Descoeur (LR), ces sanctions doivent pouvoir permettre que l'inversion du mécanisme de construction des prix, votée mercredi soir et pierre angulaire du projet de loi "produise réellement des effets". Ce mécanisme vise, entre autres, à ce que les coûts de production deviennent la base de la construction du prix. Les amendements votés prévoient également que le producteur individuel ne sera sanctionné que s'il fait "délibérément" échouer le contrat, et donc ne sera pas tenu responsable si c'est une organisation de producteurs qui agit en son nom.  

Dans la suite des débats, il n'y a pas eu d'unanimité, loin de là, sur l'article consacré à la médiation en cas de litige sur la vente de produits agricoles, que le projet de loi entend renforcer. Les LR ont jugé le médiateur "impuissant" et estimé que les agriculteurs vont "se faire croquer par les puissants". Les socialistes ont dénoncé des mesures "en retrait" par rapport aux promesses, les communistes des "renoncements".   Demandant d'arrêter "les faux procès", le ministre a lui jugé le dispositif "totalement cohérent avec l'esprit des états généraux" de l'agriculture, et vanté un médiateur devant pouvoir "être saisi par le plus grand nombre de producteurs qui rencontreraient des difficultés". Pendant la médiation, le contrat par exemple de fourniture de lait ne sera pas arrêté et il n'y aura pas de saisine du juge.