Des cantines à moitié bio, un défi au menu de l'agriculture du futur

Atteindre 50% de produits bio ou locaux d'ici 2022 en restauration collective: l'engagement de campagne d'Emmanuel Macron, confirmé récemment par le gouvernement, suscite la perplexité des acteurs concernés, mais pour les producteurs, l'évolution est inéluctable.

En France, la restauration collective serait à 3% de bio, selon la dernière étude publiée en juin par l'agence Bio. Si cette enquête n'inclut pas les produits obtenus en circuit court, elle donne une idée de l'ampleur de la tâche. L'enjeu est colossal pour le développement de l'agriculture bio en France, rappelle Florent Guhl, directeur de l'Agence Bio: tous secteurs concernés (écoles, hôpitaux, maisons de retraite, etc), la restauration collective représente 3,6 milliards de repas par an, un chiffre appelé à augmenter.

"Il faut être prudent car la production française n'est pas suffisante et donc on risque d'avoir une forte proportion de bio qui est importée et pour laquelle le bilan carbone est désastreux", s'insurge Dominique Bénézet, délégué général du SNRC (syndicat national de la restauration collective), pointant "le manque de volume et de structuration de la filière". C'est cet argument qu'avaient invoqué pour le retoquer au Sénat les détracteurs d'un amendement écologiste prévoyant un objectif de 20% de bio, au printemps 2016, finalement voté à l'Assemblée. Pourtant, certains établissements sont déjà au-delà de ce seuil, parfois même au-dessus des préconisations du chef de l'Etat. Ainsi, à l'école élémentaire Lamoricière, dans le 12e arrondissement de Paris, les élèves de la cantine ont vu passer en deux ans la proportion de produits bios dans leurs assiettes de 14% à 50%, depuis la rentrée 2016.

"On s'est rendu compte que le menu de la cantine était une des pages les plus consultées sur le site de la mairie d'arrondissement. C'est un peu frustrant pour tout ce qu'on fait à côté", confie avec humour Catherine Baratti-Elbaz, maire du 12e arrondissement (PS). Dans le menu du jour, qu'elle déguste avec ses jeunes administrés, des brocolis bio et du pain bio, notamment. "Si on veut des produits bio, labellisés, si on veut des circuits courts, honnêtement, ça coûte plus cher", explique-t-elle, tout en espérant entretenir un "cercle vertueux", à force d'appels d'offres.

Des régions avancées

"Est-ce qu'on est capable de produire autant en France d'ici 2022 ? D'ores et déjà, dans un certain nombre de régions, la réponse est oui", estime le directeur de l'Agence Bio, qui, outre Paris, cite d'autres exemples de grandes villes ambitieuses, telles Bordeaux et Saint-Etienne. "Il y a souvent un coût d'entrée, parce qu'il faut réinvestir dans des équipements type légumerie et la formation des personnels", alors que dans la plupart des établissements, on ne faisait plus que réchauffer des plats, explique M. Guhl. Mais à l'usage, "mettre 20% de bio dans les repas ne coûte pas plus cher", assure à l'AFP Vincent Rozé, éleveur laitier à la ferme de Sainte-Luce, en Isère, et responsable de la plateforme Manger Bio Isère, qui livre 140 sites de restauration collective.   

Il met en avant la lutte contre le gaspillage et la diversification des sources de protéines pour "avoir un coût de matière première constant", les protéines végétales étant moins chères. Mais pour atteindre 20, 30, 40 ou 50% de bio ou circuit court, le gouvernement doit faire preuve de davantage de "cohérence" dans ses objectifs, selon Jean-Paul Gabillard, producteur de légumes de plein champ en Ille-et-Vilaine et administrateur de la FNAB (fédération nationale d'agriculture biologique). Il rappelle que le ministère de l'Agriculture est parti sur un objectif de 8,5% de surfaces agricoles cultivées en bio dans le quinquennat contre 6,5% aujourd'hui, un objectif insuffisant selon lui. "Peut-être que dans cinq ans, on fera le constat qu'on n'est pas à 50 et qu'on est plutôt à 30%, mais si on est passé de 4 à 30%, je pense qu'on aura déjà une vraie satisfaction", conclut Florent Guhl.