HVE, la crainte d’une démarche volontaire obligatoire

Bientôt tous certifiés HVE ? Le nombre d'exploitations certifiées augmente à grand pas, poussé à la fois par la volonté du gouvernement, par la demande de la grande distribution et par la profession agricole. La certification pourrait même être rendue obligatoire dans le cahier des charges des signes officiels d’origine et de qualité. D’où la crainte, de la part des producteurs, de voir la HVE devenir à moyen et court terme un droit d’accès au marché plutôt qu’un élément différenciant.

A l'occasion des Etats généraux de l'alimentation en 2017, la Haute valeur environnementale (HVE) a été clairement identifiée comme un dispositif de transition agroécologique de l'agriculture française. Présentée comme une démarche volontaire, cette certification s'applique à l'ensemble de l'exploitation et s'appuie sur des obligations de résultats mesurés par des indicateurs de biodiversité et de réduction d'intrants (phytos, fertilisation et eau). Objectif affiché par le gouvernement : 15 000 exploitations certifiées HVE en 2022 et 50 000 en 2030. Actuellement, seules 2 200 exploitations sont reconnues HVE, la plupart (1 900) étant des exploitations viticoles, particulièrement en Champagne et dans le Bordelais.

Les filières agricoles se sont fixées des objectifs ambitieux, à l'instar de la filière vin, dont l'objectif est d'atteindre 50% d'exploitations HVE d'ici 2025. "Nous avons fait le choix de ne pas multiplier les labels, en conseillant à nos adhérents d'aller vers le bio ou le HVE", témoignait ainsi Boris Calmette, président des Vignerons Coopérateurs de France le 27 novembre lors d'une conférence au Sitevi. "Objectif : 100% de caves coopératives engagées dans la démarche de certification, dont 50% en HVE ou bio", avait-il précisé.

La filière céréalière lorgne elle aussi sur cette démarche. A ce jour, seule une centaine d'exploitations de grandes cultures est certifiée HVE, mais l'Association générale des producteurs de blé (AGPB) entend généraliser cette certification auprès des céréaliers, afin de mieux "répondre aux attentes sociétales". Son président Eric Thirouin, également secrétaire général adjoint de la FNSEA, voit d'ailleurs dans la HVE un indicateur intéressant pour refléter les efforts de la filière en matière d'environnement. Les Chambres d'agriculture sont sollicitées pour accompagner les producteurs dans une démarche pouvant être perçue comme une nouvelle contrainte réglementaire, avec des charges en plus pour l'exploitation.

Selon que les démarches soient individuelles ou collectives, le coût de la certification peut varier de un à dix. Ainsi le syndicat des Côtes du Rhône, qui propose une démarche collective pour ses adhérents, estime le coût de la certification à 40 euros par an et par producteur, contre 300 euros environ en individuel.

Peinant à répondre à la demande des consommateurs en produits bio, la grande distribution s'est emparée de cette nouvelle certification, en imposant de plus en plus le label HVE dans les cahiers des charges des achats, sans pour autant mieux rémunérer les produits. "En Beaujolais, les négoces imposent le label HVE sans mettre un centime de plus", témoignait par exemple une opératrice lors du Sitevi. La crainte, pour les producteurs, est de voir la HVE devenir à moyen et court terme un droit d'accès au marché plutôt qu'un élément différenciant. "Et que vont devenir les exploitations qui ne seront pas dans les clous ?", pouvait-on entendre dans les allées du salon.

Et les craintes sont accentuées par un amendement voté dans le cadre de la loi Egalim, qui imposera à partir de 2030 la certification environnementale dans le cahier des charges des signes officiels d'origine et de qualité (label rouge, agriculture biologique, appellation d'origine, indication géographique, etc.). Une mesure que les trente députés socialistes - dont Stéphane Le Foll - à l'origine de cet amendement expliquent par la "trop relative discrétion de l'objectif environnemental dans la politique de l'INAO" (Institut national de l'origine et de la qualité).

Les producteurs seront vigilants quant aux modalités d'application de cette mesure (qui ne sont pas encore fixées puisque la date de publication du décret est prévue au plus tard le 1er janvier 2021). "Introduire la certification environnementale dans le cahier des charges des signes de qualité implique que l'agriculteur n'aura pas la main sur les évolutions des demandes environnementales", alertait au Sitevi Bernard Angelras, viticulteur et président de la Commission Environnement de l'INAO. De démarche volontaire, la certification environnementale prend de plus en plus le virage d'un passage bientôt obligé.