Lactalis lève un coin du voile : bénéfice net en repli de 25% en 2019

Le géant laitier Lactalis a annoncé avoir enregistré un bénéfice net en repli de 25% en 2019, année marquée par neuf acquisitions, au cours d'un rare exercice de communication pour ce groupe familial réputé secret.

Le bénéfice net s'est élevé en 2019 à 318 millions d'euros, contre 425 millions d'euros un an plus tôt, a indiqué le président de Lactalis Emmanuel Besnier lors d'un point presse le 4 juin dans une petite fromagerie du groupe produisant des bries de Meaux et de Melun à Meaux (Seine-et-Marne). Le recul est "lié à des provisions d'actifs sur nos récentes acquisitions", a-t-il précisé.

Lactalis (marques Président, Galbani, Lactel) a acquis l'an dernier neuf sociétés, dans autant de pays, "une des plus fortes années du groupe" à cet égard, a souligné M. Besnier à l'occasion de cette présentation organisée pour la deuxième année de suite - un exercice nouveau pour ce groupe familial réputé pour sa discrétion. Parmi ces acquisitions, le rachat de la coopérative brésilienne Itambé permet au groupe de revendiquer la place de leader des produits laitiers au Brésil.

M. Besnier n'a pas souhaité communiquer sur le budget alloué à ces acquisitions, ni sur la croissance organique (hors effets de périmètre et de change) du groupe basé à Laval, qui a enregistré 20 milliards d'euros de chiffre d'affaires dans le monde en 2019. "Ces chiffres intéressent aussi nos concurrents", a-t-il souligné.

Le niveau d'endettement du groupe, qui a bondi de 51% sur un an, à 5,9 milliards d'euros, donne toutefois une idée des sommes engagées pour financer la croissance externe de Lactalis, qui se positionne comme le premier groupe laitier et 13e groupe agroalimentaire mondial avec 266 sites de production dans 51 pays. Ce développement vise notamment à "répartir les risques en fonction des continents et des pays", relève le patron de Lactalis.

Lactalis se voit régulièrement reprocher son silence sur ses comptes, en particulier par les éleveurs qui l'accusent d'abuser de sa position de force pour sous-payer le lait.

Les critiques sur son manque de transparence ont atteint leur apogée lors de l'affaire du lait infantile contaminé aux salmonelles : fin 2017, 38 nourrissons ont été atteints selon les autorités sanitaires de salmonellose après avoir bu un lait des marques Picot et Milumel produit dans son usine de Craon en Mayenne. Le processus de retrait s'est révélé chaotique et la révélation de nombreux dysfonctionnements ayant mené à la contamination a donné lieu à l'ouverture d'une information judiciaire, dans laquelle M. Besnier a été entendu en garde à vue fin 2019.

Le scandale a convaincu le groupe de communiquer davantage. Il a symboliquement tenu pour la première fois un stand au salon de l'agriculture en février dernier. "On avait plutôt tendance dans le groupe à faire les choses sans essayer d'en parler", a glissé Emmanuel Besnier lors de son point presse le 4 juin. L'affaire du lait contaminé pèse encore sur le plan économique. "On n'a pas retrouvé les volumes [de ventes de lait infantile], on perd toujours de l'argent sur cette activité", a indiqué M. Besnier.

En organisant son point presse dans une fromagerie artisanale de 14 salariés, Lactalis entendait par ailleurs rappeler qu'il était le "premier acteur mondial des AOP"  avec 38 AOP européennes dans son portefeuille, et pas seulement un "groupe industriel", selon les mots du président de Lactalis. Il a souligné son inquiétude pour ces fromages de terroir qui ont particulièrement souffert de la crise liée à l'épidémie de Covid-19, avec des ventes divisées par deux pour le brie de Meaux.

Il s'est dit globalement "très inquiet" quant à "l'évolution du pouvoir d'achat des consommateurs en 2020". Devant le recul de la demande mondiale de lait et la baisse des cours, il anticipe aussi "des résultats qui vont continuer d'être tendus pour l'industrie laitière".