Le dessein d’une France agricole entre volontarisme et ambiguïté

Dans le cadre d’un déplacement de deux jours dans le Puy-de-Dôme, le président de la République a adressé ses vœux au monde agricole, jeudi dernier.

Devant un parterre de 500 responsables agricoles et d'élus, réunis dans le gymnase de Saint-Genès-Champanelle dans le Puy-de-Dôme, le président de la République a tracé la voie de la politique agricole qu'il entend conduire, soulignant d'emblée sa volonté d'adresser des vœux spécifiques "aux agriculteurs, ces piliers de la Nation, garant de notre souveraineté alimentaire". Si Emmanuel Macron a multiplié les séquences de calinothérapie ("parce que vous êtes les premiers maillons du goût français", "l'agriculture a du talent, de la ténacité"), allant jusqu'à conclure des trémolos dans la voix ("avec les crises, je sais que beaucoup sont dans le doute et la souffrance, je sais aussi tout l'investissement de ceux qui sont engagés dans ce qui n'est pas un métier mais une vie, parce que ça commence tôt et ça finit tard, ça ne s'arrête jamais"), sur le fond, il a confirmé des engagements mais aussi sérieusement battu en brèche les positions qu'il portait, hier encore.

Ramener du prix à la production

"Le combat pour la valeur, nous l'avons livré en lançant les États généraux de l'alimentation", a indiqué Emmanuel Macron, se félicitant de la promulgation imminente d'une loi permettant "la juste rémunération", considérée comme "l'étape de base". Toutefois, constatant que malgré la signature de la charte d'engagement, certaines enseignes ne la respectaient pas, le chef de l'État a été très clair : "Quand on est un acteur économique, on respecte les lois de la République, et les engagements que l'on a pris. Ce n'est pas le cas aujourd'hui. Nous allons donc renforcer les contrôles et dire au consommateur qui fait quoi." Unanimement, dans les rangs de la FNSEA, on salue ce volontarisme : "Sur les prix, nous avons œuvré au niveau de la FNSEA pour faire des propositions depuis le début des États généraux pour renverser la règlementation qui était faite pour tirer les prix vers le bas, et pour aller vers une règlementation qui protège les agriculteurs et leurs prix. C'est un sujet qui doit être accompagné d'autres, notamment de stratégies à l'export, pour être efficace. Nous avons porté plusieurs points : la condamnation des prix abusivement bas, l'introduction des coût de production dans toute la chaîne contractuelle, les clauses de renégociation des prix, et l'arrêt de la guerre des prix, en encadrant les promotions et en relevant le seuil de reventes à pertes. Parallèlement, nous avons demandé que les règles européennes relatives au droit de la concurrence évoluent, pour que les agriculteurs puissent s'entendre sans être condamnés. Sur cette partie, le chef de l'État a amplifié et renforcé son discours de Rungis. Cela va dans le bon sens. Maintenant, place aux actes, place à la loi."

Pac : Macron prêt à défendre le budget

Dénonçant la complexité de la Politique agricole commune, la rendant, du coup, souvent illisible, Emmanuel Macon a indiqué vouloir œuvrer en faveur d'une "Pac aux ambitions préservées". Comprenez, il est prêt à se battre pour défendre un budget fort pour la Pac. Un point positif pour les responsables agricoles. Dans le détail du canevas de la future Pac, le Président a avancé un certain nombre de points : recours à davantage de subsidiarité, mécanismes efficaces de lutte contre la volatilité des prix, outils de gestion des nouveaux risques, assurances climatiques, aides directes "qui constituent le premier filet de sécurité européen pour permettre à l'agriculteur de gérer son risque". Sur l'ICHN (indemnité compensatoire de handicaps naturels), Emmanuel Macron a rappelé "qu'elle a été conçue avec des critères qui ne correspondent plus aux règles européennes. (...) Il nous faut en sortir dans les mois qui viennent." Reste à savoir s'il compte intégrer les surfaces végétales dans les ICHN...

ICHN : pas d'écrêtement sur la montagne

Il a toutefois précisé que "l'ICHN en zone de montagne ne sera pas écrêtée", tout en indiquant qu'une nouvelle carte Zones défavorisées simples (ZDS) "claire et partagée, serait publiée mi-février". Pour les territoires qui sortiraient du dispositif, il s'est voulu rassurant : "Il y a des inquiétudes, c'est pourquoi il faudra prévoir des mesures d'accompagnement pour les territoires qui sortiraient du dispositif ICHN, en se donnant un délai de sortie de deux à trois ans." Selon Patrick Bénézit, les inquiétudes sont loin d'être levées "notamment sur les ZDS, d'une part sur le zonage, et d'autre part sur le budget. Nous considérons toujours que la réforme doit être financée sur des fonds nationaux émanant de Bercy et que les conséquences financières de cette réforme ne doivent pas être assumées par les éleveurs".