Qualité de l’air : l’agriculture à la fois victime et responsable

Si la qualité de l’eau est un enjeu bien connu en agriculture, la qualité de l’air n’est encore qu’un sujet émergent. Un colloque consacré à la question était organisé par les Chambres d’agriculture et Atmo France, le réseau des associations agrées de surveillance de la qualité de l’air, le 6 février, à Paris.

Difficile d'évoquer le sujet de la qualité de l'air auprès des agriculteurs. « Il y a des craintes », confirme Jean-Marie Vinatier, chef de service à la chambre d'agriculture AURA. Débordés par les contraintes administratives, nombreux sont les exploitants qui redoutent, avec cette nouvelle préoccupation environnementale, « une couche réglementaire supplémentaire », explique le conseiller.

Pour autant, la profession agricole est passée d'une « logique de rejet à une logique de partenariat » en quelques années, se félicite-t-il. Plusieurs initiatives régionales démontrent une collaboration, sur le terrain, entre la profession agricole et les associations agrées de surveillance de la qualité de l'air. Le programme de recherche Repp'Air, par exemple, vise à réduire les produits phytosanitaires dans l'air.

En Nord-Pas-de-Calais, le programme Epand'air s'est fixé comme objectif d'accompagner les changements de pratiques en matière d'épandages. En effet, ces derniers donnent lieu à l'émission d'ammoniac, un gaz précurseur de particules, via la recombinaison avec d'autres polluants. Le secteur agricole est ainsi, en partie, responsable des pics de pollution survenant au printemps.

Il est déjà connu que les engrais sous forme d'urée ou de solution azotée sont davantage émetteurs d'ammoniac que les ammonitrates. De même, l'enfouissement des matières organiques pourrait jouer un rôle clé. De nouveaux essais vont permettre de tester plusieurs modalités d'épandage, afin de confirmer l'intérêt ou non de certaines pratiques agricoles.

Pertes de rendement

L'agriculture est affectée par la pollution atmosphérique : ozone ou éléments de traces métalliques. Ainsi, des espèces d'intérêt économique majeur se révèlent très sensibles à l'ozone : blé, soja, melon, légumes à gousse, navet, oignon, laitue, tomate, etc. La pollution de l'air engendrerait une perte de rendement sur le blé estimée en moyenne à 10 %, en Ile-de-France.

Pour lutter contre l'émission de polluants, de bonnes pratiques agricoles peuvent être recommandées. Mais il s'agit d'une pollution diffuse, aux sources d'émissions multiples. Certains facteurs sont aussi indépendants du contrôle de l'agriculteur, comme la météo.

Qui plus est, des antagonismes peuvent survenir entre les préconisations pour protéger l'eau, la biodiversité ou l'air. Voilà pourquoi il est important de garder « une approche globale et systémique », insiste Rik Vandererven, du ministère de l'Agriculture. « On s'est beaucoup focalisé sur d'autres enjeux environnementaux. Par rapport aux politiques publiques, il est vrai que les mesures en faveur de la qualité de l'air sont relativement limitées », admet-il. La qualité de l'air intégrera-t-elle les règles de conditionnalité de la prochaine PAC ? « La réponse est plutôt non », affirme-t-il. L'objectif du ministère de l'Agriculture serait plutôt de « resserrer » les règles « sur les enjeux majeurs » et « les pratiques à spectre large ».