"La France, championne du monde du nombre de prédations par loup"

Les 530 loups officiellement recensés ont prédaté plus de 12.500 animaux en 2018. Pour l’éleveuse aveyronnaise Mélanie Brunet, le relèvement du taux de prélèvement ne va pas inverser les courbes. Elle dénonce les manquements de l’Etat.

530 loups : le chiffre a été officialisé par l'Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS) ce vendredi 7 juin. 9 brebis : c'est le nombre de victimes de l'attaque de loup(s) subie(s), ce même vendredi, par Romain Raffy à Grèzes, dans le Lot. « Un département que l'Etat ne reconnaît toujours pas comme étant frappé par  des attaques de loup, comme du reste le Tarn, le Cantal, la Dordogne ou encore la Haute-Vienne », déclare Mélanie Brunet, éleveuse de brebis à Séverac d'Aveyron, co-présidente du collectif d'éleveurs Cercle 12 et de la Fédération nationale de défense du pastoralisme (FNDP). « Les photos des brebis que m'a transmises l'éleveur, toutes prises à la gorge avec pour certains les os déchiquetés, sont caractéristiques de la prédation par le ou les loups ».

Effectifs sous-estimés

Avec un effectif de 530 spécimens contre 430 l'an passé, le loup a atteint pour la première fois en 2018 le seuil de viabilité démographique de l'espèce, estimé à 500 loups par l'étude scientifique conduite en 2016 par le Muséum national d'histoire naturelle et l'ONCFS. Parallèlement, le nombre de Zones de présence permanente (ZPP) poursuit sa progression, passant de 74 ZPP détectées en sortie d'hiver 2017-2018 à 92 ZPP en sortie d'hiver 2018-2019. Quant aux prédations, elles sont passées de 9.700 en 2017 à 12.500 en 2018. « Lors du lancement du Plan national d'actions 2018-2023, le Préfet coordinateur nous avait expliqué que le plan loup allait faire baisser la prédation », poursuit l'éleveuse. « Les chiffres le démentent. Pour nous, ce n'est malheureusement pas une surprise car les effectifs recensés sont sous-estimés. Dans la Drôme par exemple, une étude conduite pendant plus d'un an par des universitaires, en collaboration avec la Fédération départementale de la Chasse, au moyen de six pièges photographiques, a estimé la population entre 75 et 90 loups alors que l'ONCFS en recense 38. A l'inverse, en qui concerne les victimes, les chiffres sont minorés car en moyenne, pour deux bêtes tuées, une troisième n'est pas retrouvée ou pas reconnue. La France peut s'enorgueillir d'être championne du monde du nombre de prédations par loup ».

500 loups et après ?

Conformément à ce qui était acté dans le Plan loup en cas de dépassement du seuil de viabilité de 500 loups, le ministère de l'Agriculture a relevé le taux de prélèvement de 10-12% à 17-19%. Une décision annoncée en mars dernier par le président de la République, visiblement mieux renseigné que l'ONCFS. « Ce relèvement ne va pas inverser les courbes du fait de la dynamique des populations et de la sous-estimation des effectifs », estime Mélanie Brunet. « L'Etat doit se donner les moyens d'empêcher les prédations. La seule et unique méthode consiste à cesser de laisser croire au loup qu'il peut trouver son garde-manger au sein des activités humaines. Si le loup ne perçoit pas de danger létal, il continuera à attaquer. Je m'empresse d'ajouter que ce n'est évidemment pas le rôle des éleveurs que de prélever les loups. Le loup se chasse en traque et au moyen d'armes à vision nocturne. Le tout est hors de portée des éleveurs. Et puis vous imaginez l'agribashin? Au lieu de cela, l'Etat se défausse en responsabilités et en financements, en décrétant des Zones difficilement protégeables, comme dans l'Aveyron ».

Article L113.1 Alinéa 8

A la tribune du congrès des JA, qui se tenait à Roanne (Loire) du 4 au 6 juin, le ministre de l'Agriculture a bien évidemment été interpelé sur le sujet. Outre le rappel des dernières annonces en date, il a évoqué les règlements européens. « Puisque le loup n'est plus une espèce en voie de dépeuplement, nous devons aller plus loin au niveau européen », a notamment déclaré Didier Guillaume. « J'ai lancé avec la Finlande un groupe d'étude en Europe pour que nous revisitions le guide interprétatif des espèces naturelles en voie de disparition pour indiquer clairement, que le loup n'est plus une espèce en voie de disparition et pour donner encore plus de latitude aux Etats membres de l'UE pour réguler encore plus le loup. Il faut qu'il y ait plus de prélèvement parce que ce qui se passe aujourd'hui est absolument inacceptable ». Déclaration d'intention ? Mélanie Brunet veut bien y croire mais le loup est au centre de plusieurs directives européennes (Bern, Habitat) et nationale, compliquant la tâche. Elle préfère miser sur l'Article L113.1 Alinéa 8 du Code rural : assurer la pérennité des exploitations agricoles et le maintien du pastoralisme, en particulier en protégeant les troupeaux des attaques du loup et de l'ours dans les territoires exposés à ce risque. Un article émanant d'un certain Didier Guillaume, ancien sénateur de la Drôme...