Ils plantent un silo de la coop au milieu de la cour de ferme

A Coussey (Vosges), la société en participation SEP G3 met son pont bascule, ses silos et son télescopique à disposition d’une filiale de Dijon Céréales. Une formule qui affranchit les quatre associés des contraintes de stockage et des arbitrages de vente, tout en obtenant une gratification. Merci la concurrence entre OS.

Union, fusion, acquisition : en dépit du mouvement de concentration qui affecte les organismes stockeurs (OS), la concurrence subsiste. A Coussey, dans l'ouest vosgien, la Coopérative agricole lorraine (Cal) et le groupe coopératif Vivescia se toisent du haut de leurs silos de Martigny-les-Gerbonvaux et de Neufchâteau, distants de 13 km. Mais à mi-chemin entre les deux, c'est l'outsider Dijon Céréales, ou plus exactement sa filiale Bourgogne espace rural, qui emporte la mise chez Silvere Adam, un des quatre agriculteurs de la société en participation SEP G3, aux côtés des Gaec de La Heronnière, de Juan et de la Périère.

Au sein de cette entreprise, créée en 2005, les quatre associés, dont trois éleveurs de vaches laitières et un de vaches allaitantes, ont décidé de mettre en commun leurs 680 ha de terres labourables. « L'objectif était de baisser les charges, d'optimiser l'organisation du travail et des chantiers et de permettre à chacun de prendre un peu de vacances, y compris pendant la moisson », détaille Silvere Adam. « Moi je suis parti en vacances la veille du battage des orges d'hiver », renchérit Régis Mazelin, installé à Frébécourt (Vosges), au volant d'une des deux New Holland CR9080 de la Cuma des Verriers, qui compte 30 adhérents dont 9 en battage. Pour Silvère Adam, ça sera début août, alors que tout le colza ne sera pas rentré, un colza encore vert faisant de la résistance, sans compter les orges de printemps.

Polyculteurs-éleveurs-maraichers-méthaniseurs

Depuis ses origines, la SEP a toujours stocké sa production de d'orges, d'escourgeon et de blé. Mais depuis quelques années, elle a mis ses infrastructures au service d'un organisme stockeur, en l'occurrence Bourgogne espace rural (BFR) filiale de Dijon céréales, un tant soit peu excentrée. « Résultat, on ne stocke plus, on vend tout à la moisson », explique Silvere Adam. « Une fois que l'on est passé sur le pont bascule, le grain ne nous appartient plus. Si le tas chauffe, ce n'est pas mon problème ».

Il faut dire que les quatre associés sont par ailleurs bien occupés, et par leur élevage, et par leur unité de méthanisation en cogénération G3 Environnement (600 MW), inaugurée en 2013. Les associés se font mêmes maraichers depuis quelques années, valorisant la chaleur dans une serre chauffée de 1600 m2.

Mieux que les primes de stockage

Mais revenons aux grains et au deal négocié avec BER, qui dispose d'un technicien à l'année dans les murs de la SEP, histoire de veiller au grain et aux appros dans le secteur, même s'« il n'y aura bientôt plus que du vinaigre », ironise le producteur. « On est payé sur la base du prix moyen et on est rémunéré pour le stockage et le rechargement. La rémunération, c'est grosso modo 1,5 fois ce que on percevrait en majorations bimensuelles. Et on n'a pas le souci de savoir quand il faut vendre ». Inconvénient : la ferme est un peu un « moulin » durant la moisson avec la noria de bennes des adhérents livrant la coop, ainsi que celle des camions. La SEP représente environ 50% des tonnages transitant dans ses silos.

Deux batteuses en 9ème campagne : 45€/ha

Outre la valorisation de leurs récoltes et de leurs infrastructures, les agriculteurs se focalisent par ailleurs sur le coût de revient de leurs moissonneuses-batteuses, détenues par la Cuma. Les New Holland CR9080 (530 ch, 10,70 m), dont une équipée d'un récupérateur de menues pailles Thiérart, en sont à leur 9ème campagne, affichant 1700 heures chacune au compteur. En matière de récolte (moissonneuses-batteuses, ensileuses), la Cuma fait durer, à l'inverse des tracteurs. « On les entretient un maximum, on fait beaucoup de préventif, on les fait déshabiller tous les deux ans par le concessionnaire », explique Silvere Adam. « Quand je vois comment elles tournent, on pourra peut-être les garder 12 ans ». La Cuma a fait ses comptes : cette stratégie leur permet de facturer 45 €/ha hors carburant et chauffeur. « On fait même un peu de provisions pour le prochain renouvellement mais là, on est au taquet ».

« La Russie crache, donc c'est mort »

Régis Mazelin attaque une parcelle 13 ha de blé sur la commune de Moncel-sur-vair (Vosges). La parcelle a failli partir en fumée la semaine passée suite à un incendie de voitures en bordure de champ. « On aurait touché l'assurance », philosophe l'agriculteur, bienheureux au volant de sa machine. « C'est quand même un plaisir, tu bosses toute une année, tu vois le résultat, des fois t'es un peu déçu, là on voit de gros andains, ça fera un bon 65 q/ha mais le grain est petit, la chaleur a forcé la maturité ».

La technologie est bien présente à bord mais elle n'enflamme l'agriculteur. « Le capteur de rendement, avec les PS, il y a trop de variation, ce n'est pas assez précis. Quant au GPS, je n'ai pas pris le temps de le recalibrer ». Retour eu bureau. Au mitan de sa moisson, Silvere Adam dresse un premier bilan : excellent en orges d'hiver et escourgeon (80 q/ha), normal en blé (entre 66 et 68 q/ha), faible et très variable en colza (20 à 30 q/ha) et a priori décevant en orges de printemps. Les prix ? « La Russie crache, donc c'est mort ».