Comment obtenir des blés panifiables en agriculture biologique ?

Atteindre un niveau suffisant de protéines nécessite un raisonnement spécifiqueen agriculture biologique, ce que précisent Delphine Bouttet et Régis Hélias, ingénieurs régionaux Arvalis, respectivement pourles zones Centre et Sud.

Perspectives Agricoles : Dans quel contexte la production de blé bio s'inscrit-elle ?

Delphine Bouttet et Régis Hélias : La demande en pain bio est croissante en métropole, portée par l'engouement pour les filières locales. Au regard du différentiel de prix, il est beaucoup plus intéressant pour les agriculteurs de viser une production de blé bio panifiable. Ainsi, les éleveurs privilégieront d'autres céréales, ou des cultures associées de céréales et de légumineuses, pour l'alimentation des animaux. Le blé pourra être valorisé en culture de vente, en utilisant les engrais organiques. En régions céréalières, l'enjeu est de réduire le recours aux apports extérieurs d'azote, notamment grâce à l'introduction de légumineuses. Pour cela, produire du blé panifiable en bio se raisonne, en premier lieu, par le positionnement dans la rotation et le choix variétal ; l'ajustement des apports azotés s'effectue dans un second temps.

P. A. : Comment les blés bio trouvent-ils leur place dans rotation ?

D. B. et R. H.  : La première règle à appliquer dans la construction de la rotation est d'utiliser l'azote fourni par le sol et le précèdent cultural, comme une luzerne ou une féverole. En bio, les besoins azotés de la culture sont ainsi essentiellement couverts par les fournitures du sol. Il s'agit d'alimenter la plante afin d'atteindre un niveau minimal en protéines de 11 %, référence actuelle des collecteurs. La rotation doit donc être conçue afin d'optimiser ces fournitures. Ce levier est d'autant plus efficace que le potentiel de la parcelle est important, ce qui est davantage le cas dans le nord de la France qu'en zone Sud.

P. A. : L'influence variétale est-elle prépondérante ?

D. B. et R. H. : Le choix de la variété intervient en second lieu, en fonction du précédent cultural.
Plus le précédent apporte de l'azote, plus il est possible d'orienter son choix vers des variétés productives, tout en veillant à limiter l'effet de dilution des protéines. En cas de faible disponibilité d'azote, situation qui se retrouve plus souvent dans le Sud, en précédent soja par exemple, il convient de privilégier des variétés de blé moins productives et qui garantissent un taux suffisant en protéines. Les légumes secs, le soja ou les autres protéagineux offrent des reliquats intermédiaires à ceux de la luzerne. La plupart des variétés recommandées par la meunerie française en bio sont issues de la sélection en conventionnel avec un profil de blé améliorant. Des variétés spécialement dédiées à l'agriculture biologique ont été inscrites en France mais elles ne sont actuellement que deux : Skerzzo et Hendrix.

P. A. : Quels sont les enjeux des apports azotés en cours de campagne ?

D. B. et R. H. : Chaque année, la fertilisation azotée, par engrais organique à diffusion rapide, doit prendre en compte l'enherbement des parcelles et la capacité de la culture à valoriser ces apports. Pour limiter la présence des adventices, très nitrophiles, et éviter une diffusion plus importante des maladies en cas de fort développement de la culture, il est recommandé de limiter les apports à 80 KgN/ha. L'azote sera mal valorisé en cas de concurrence avec des adventices. Les apports ne doivent donc s'envisager que si les parcelles sont propres et si le développement de la culture est suffisant au début du printemps, en sol profond et si le précédent n'apporte pas assez d'azote. Mesurer des reliquats azotés en sortie d'hiver sécurise ainsi la prise de décision.

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