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Des centaines de tracteurs à Paris contre les "interdictions sans solutions"
"On nous met plus de contraintes et on nous dit démerdez-vous" : juchés sur leur tracteur, des centaines d'agriculteurs ont défilé à Paris le 8 février à l'appel de la FNSEA, une première depuis plus de trois ans.
Quelque 620 tracteurs et 3000 manifestants, selon la FNSEA, sont partis de la Porte de Versailles, encadrés par de nombreux policiers, pour aller se ranger sur cinq files entre le pont Alexandre III et les Invalides, dans le centre. "Ca me gonfle de venir en tracteur dans Paris. Les gens sont contents de nous voir mais (...) ils achètent des produits étrangers qui ne respectent pas nos normes (...) ils ne veulent pas payer plus", s'impatiente Mathieu Beaudoin, céréalier de 38 ans, à bord de son tracteur secoué par les pavés, la tour Eiffel en ligne de mire.
Déclencheur de la mobilisation : la décision du gouvernement le 23 janvier de renoncer à autoriser les néonicotinoïdes pour la culture de la betterave sucrière, après une décision de la Cour de justice de l'Union européenne.
Après un pic de 425 km de bouchon en région parisienne vers 9h, les embouteillages cumulés n'étaient plus que légèrement au-dessus de leur moyenne en fin de matinée, en cette journée de grève à la SNCF.
Grégoire Bouillant, céréalier de 40 ans se réclamant de l'agriculture "raisonnée", est parti vers 5h du matin de sa ferme du Val-d'Oise pour arriver, à 20km/h, à Porte de Versailles, où se tiendra dans moins d'un mois le Salon international de l'agriculture. Il dénonce une "pression environnementaliste" et des "mesures qui ne cessent de s'empiler en notre défaveur". A l'arrière de son tracteur, une pancarte "Macron menteur, oui aux NNI (néonicotinoïdes, NDLR), oui au sucre français".
Juchée sur un conteneur garni de bottes de paille et de cagettes de pommes, la présidente de la FNSEA, Christiane Lambert, a affirmé que l'agriculture ne pouvait se passer de la chimie. "Jamais il n'a été autant question de souveraineté alimentaire, jamais il y a eu autant d'interdictions sans solutions", a-t-elle estimé.
Drapeaux FNSEA et Jeunes agriculteurs et affichettes "mon métier respecte la nature, stop aux écologies abusives" ont fleuri sur les vitres des tracteurs et de nombreux passants prenaient des photos de la manifestation, rejointe par une trentaine d'élus, dont le président des Hauts-de-France Xavier Bertrand. "Il n'est pas question de faire les mêmes conneries sur l'agriculture" que sur le nucléaire, a assené Xavier Bertrand depuis la tribune.
Réunion au ministère
Le ministre de l'Agriculture Marc Fesneau a reçu dans la matinée une délégation issue de la manifestation "pour échanger sur les défis auxquels ils sont confrontés et l'avenir des filières agricoles", selon un communiqué. Il réunira jeudi 9 février la filière betterave pour "présenter un plan d'actions et de soutien en réponse à la décision" européenne.
Selon Franck Sander, président du CGB, présent aux Invalides, le ministre a promis que les betteraviers recevraient une "indemnisation totale" en cas de perte de rendements due à la jaunisse, récoltant de maigres applaudissements.
"Comme utilisateur de néonicotinoïdes, je n'ai pas l'impression d'empoisonner le monde", s'agace le cultivateur et militant syndical Damien Greffin, qualifiant la rencontre avec le ministre de "moyenne", avant de conclure : "rendez-vous au Salon de l'agriculture". Il préside la section FNSEA du Grand Bassin parisien qui rassemble 12 départements céréaliers du nord de la France et est à l'initiative de la manifestation, avec le syndicat des planteurs de betteraves CGB, qui a appelé à une mobilisation jusqu'au 20 février dans toute la France.
La Confédération paysanne a elle déploré que certains manifestent "pour continuer à utiliser des néonicotinoïdes et refuser toute avancée écologique". L'ONG environnementale Générations Futures a dénoncé de son côté des pratiques "dignes de l'agriculture des années 1960, pas de celle des années 2020".