La prairie à l’ère des aléas

Adapter les pratiques de gestion de l’herbe aux évolutions climatiques, aux attentes sociétales... : thème de la journée organisée le 27 septembre à Marcenat par la Chambre d’agriculture et l’Inra.

Vous accueillez de nouveau sur le site de l'Inra à Marcenat la journée "L'herbe de nos montagnes" en partenariat avec le CRDA des Monts du Cantal et la Chambre d'agriculture. Avez-vous le sentiment que le regard des éleveurs a changé ces dernières années sur cette ressource ?

Pascal d'Hour, directeur de l'unité expérimentale des Monts d'Auvergne (qui regroupe les sites Inra de Laqueuille, Orcival et Marcenat) : "La première Journée de l'herbe remonte au début des années 2000, dans le Puy-de-Dôme. Marcenat a accueilli cette manifestation pour la première fois en 2010 et depuis, la journée alterne tous les deux ans entre Cantal et Puy-de-Dôme. S'agissant du regard des éleveurs, oui, globalement, la prairie fait aujourd'hui davantage partie de leurs préoccupations. Ils prennent conscience que la prairie ça se cultive, qu'elle mérite autant d'attention qu'une culture annuelle. On ne laisse pas l'herbe pousser comme ça, même une prairie naturelle."

Quel est l'intérêt d'une journée de ce type pour les éleveurs ?

P. d'H. : "Il s'agit de partager ce que la recherche sait au stade actuel sur les prairies mais aussi de recueillir les attentes, les préoccupations de ces derniers pour faire évoluer nos travaux. Les éleveurs disposeront, via les ateliers, d'un certain nombre d'interlocuteurs de la recherche, d'ingénieurs et techniciens du développement pour répondre à leurs interrogations autour de la gestion de l'herbe. Ils pourront aussi comprendre comment s'élabore un programme de recherches à partir de questions très concrètes, pratiques."

Justement, quels sont les travaux qui ont été inspirés des éditions précédentes ?

P. d'H. : "Toute une série de projets Casdar(1) ont été construits autour de la prairie, des prairies permanentes et notamment des prairies AOP, dont certains ont été formalisés suite à ces échanges entre éleveurs, ingénieurs du développement et chercheurs. C'est le cas des travaux menés autour de la typologie des prairies AOP, classées en fonction des services qu'elles peuvent rendre. D'autres projets ont fait suite à des discussions lors des précédentes Journées de l'herbe."

A-t-on fait le tour aujourd'hui de la question ? Reste-t-il des zones d'ombre sur les prairies ?

P. d'H. : "On continue d'en apprendre tous les jours sur l'herbe ! Par exemple, même si son rôle dans le stockage du CO2 est connu, on commence à préciser davantage les mécanismes à l'œuvre et les facteurs qui peuvent influencer cette captation de carbone.  L'Unité de recherche sur l'écosystème prairial (Urep) que dirige Pascal Carrere sur le site Inra de Drouël travaille ainsi à fournir des éléments de compréhension et des indicateurs du fonctionnement de l'écosystème prairial dans un environnement changeant et incertain, notamment via l'étude des cycles carbone et azote en prairie dans un contexte de changement climatique et de productions agricoles durables (peu de fertilisation et de lessivage de nitrates, émissions de gaz à effet de serre faibles, maintien ou augmentation du carbone du sol). De même, des interrogations demeurent sur la valeur alimentaire des prairies notamment permanentes, sur comment faire évoluer la gestion de la prairie pour une flore plus diverse, propice à la qualité des productions..."

Pour l'heure, le changement climatique et les injonctions sociétales sont plus subies qu'anticipées par le monde de l'élevage, comment cette journée peut-elle contribuer à donner des clés aux agriculteurs ?

P. d'H. : "Via les ateliers interactifs (lire ci-contre), des témoignages d'éleveurs qui ont fait évoluer leurs pratiques ou s'interrogent pour le faire, via l'intervention de Marie Tissot du Sidam sur les enseignements du projet AP3C(2), qui, outre le constat des évolutions climatiques, donnera des repères sur les scenarii envisagés pour l'agriculture du Massif central et les évolutions techniques à prévoir. Pascal Carrere développera lui les pistes d'adaptations possibles vues de la recherche, avec les notions de complémentarité, diversité des prairies."

(1) Compte d'affectation spéciale développement agricole et rural.

(2) Adaptations des pratiques culturales au changement climatique.