Les lourdes conséquences de la canicule et d’une pluviométrie en berne

La FDSEA et les Jeunes agriculteurs se sont rendus sur le terrain, dans des prairies d’altitude, pour faire le point sur les conséquences d’une situation climatique hors normes.

Non, les quelques pluies tombées cette semaine n'ont pas dissipé l'inquiétude des agriculteurs. La FDSEA et les Jeunes agriculteurs du Cantal (JA 15) apportent la démonstration que l'épisode caniculaire, assorti d'un manque de pluie, pénalise déjà les élevages, même en montagne. Rendez-vous chez Jean-Pierre Lamouroux, à Lascombes de Trizac, au-dessus de 1 000 m d'altitude. La robe des salers rouge tranche sur de l'herbe jaune. "En août d'habitude, tout est vert !", affirme l'éleveur, contraint d'apporter des bottes de foin rectangulaires sur des parcelles en rupture de pâturage, notamment aux mères qui nourrissent leur veau.

Impact économique

"La situation est liée à un changement climatique radical, avec des températures à la fois très élevées et un manque d'eau, qui fait suite à une période de pluie très longue qui a pénalisé les premières récoltes", résume Joël Piganiol, président de la FDSEA du Cantal. D'où une situation qui se tend de plus en plus - notamment sur le front ouest du département - qui justifie que le syndicat "lance une alerte". Car les conséquences sont lourdes. "La rupture de pâture, c'est à la fois un manque de fourrage pour les animaux, mais aussi une perte de production. Un certain nombre d'éleveurs laitiers sont impactés car les bêtes sont sensibles à la fois à la chaleur, à la disponibilité et à la qualité de l'herbe normalement disponible à cette saison. En élevage allaitant, ça va se traduire par des ventes anticipées d'animaux maigres", détaille Joël Piganiol.  Jean-Pierre Lamouroux, en race salers élevée tout à l'herbe et au foin, confirme l'impact sur son élevage : "Je pense à diminuer mon cheptel(1). Car il n'est pas question d'acheter du fourrage à l'extérieur ; payer pour ce que l'on produit est un non-sens."  Or, il sait que sur ces prairies d'altitude, la deuxième coupe ne se fera pas. "Alors que le regain, habituellement très dense, est bien plus riche, au point que 100 bottes valent bien 150 de première coupe." Le manque total de repousse se vérifie encore plus tôt, depuis le 25 juin dans le secteur de Ydes notamment. À ce constat départemental, s'ajoutent pour certains un problème d'approvisionnement en eau et une piètre qualité pour ceux qui produisent du maïs d'ensilage... En outre, Francis Flagel, président des JA 15, s'inquiète tout particulièrement pour les jeunes installés : "L'étude économique qui porte sur quatre ans risque d'être lourdement grevée..." 

Calamité sécheresse

Autant de raisons qui font que, si la météo ne s'inverse pas et n'autorise pas une nouvelle pousse de l'herbe, les syndicats majoritaires pensent à ouvrir un dossier "calamité sécheresse" d'ici quelques semaines, comme d'autres l'on déjà fait (dans le Doubs, en Haute-Saône, ou dans la Mayenne, par exemple). "Malgré des stocks qui étaient corrects sur le printemps, avec la consommation qui est déjà faite par les animaux, on sait qu'avec un hivernage long, souvent jusqu'à six mois, la période sera très compliquée, affirme le président de la FDSEA. Ouvrir un dossier calamité, c'est non seulement compenser partiellement les pertes sur la trésorerie, mais c'est aussi permettre des dérogations pour ceux qui sont dans des démarches strictes imposées par un cahier des charges". Les syndicat y songent. Sérieusement.  

(1) Jean-Pierre Lamouroux, de l'EARL du Manclaux, dispose de 140 ha pour un cheptel nourri tout à l'herbe et au foin de 90 mères qui produisent du broutard alourdi de race salers pure. S'y ajoutent 70 génisses d'élevage.