Prix de référence agricoles: les députés laissent les interprofessions maîtres

Les interprofessions agricoles pourront établir elles-mêmes les référentiels de prix prévus dans le projet de loi agriculture et alimentation, aux termes d'une disposition votée par les députés en commission malgré de nombreuses oppositions, a-t-on appris mercredi de source parlementaire.

En nouvelle lecture de ce projet de loi porté par Stéphane Travert, la commission des Affaires économiques a adopté un amendement du rapporteur Jean-Baptiste Moreau (LREM) prévoyant que "les organisations interprofessionnelles peuvent élaborer ou diffuser ces indicateurs qui peuvent servir d'indicateurs de référence". Pour cela, elles peuvent "s'appuyer" sur l'Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires (OFPM). "A aucun moment les indicateurs ne peuvent être validés par une autorité publique, au nom de la liberté contractuelle et des missions des interprofessions" et "il en va également du principe de responsabilité des opérateurs", a justifié le rapporteur dans son exposé des motifs.

Plusieurs députés LR, UDI-Agir et PS sont intervenus pour critiquer le détricotage des mécanismes de fixation des prix sur la base d'indicateurs publics incontestables, élaborés en première lecture. L'impact du texte, qui entend notamment rééquilibrer les relations commerciales au profit des agriculteurs, en sortira considérablement affaibli, ont-ils déploré, le président des députés communistes André Chassaigne dénonçant un "abandon en rase campagne".  

"Machine arrière"

Contre l'avis du gouvernement, les députés avaient jusqu'alors prévu qu'"à défaut d'indicateurs" fournis par les interprofessions, l'OFPM et FranceAgriMer devraient en proposer, disposition maintenue au Sénat. Il n'y a pas eu d'accord entre députés et sénateurs en commission mixte paritaire notamment en raison de ce point, sur lequel majorité et gouvernement ont fait "machine arrière", selon la commission des Affaires économiques du Sénat. Les syndicats agricoles ont aussi dit leur déception. Les députés ont également voté un amendement des communistes prévoyant que les indicateurs pris en compte dans la détermination du prix puissent faire référence à l'origine des produits, au même titre que leur composition ou leur qualité.  

Pour le reste, les députés ont essentiellement rétabli leur version du projet de loi, revenant sur des ajouts ou changements opérés au Sénat. Ils sont par exemple revenus sur la création d'un fonds d'indemnisation pour les phyto-victimes, et sur l'obligation d'un plan d'action de lutte contre le gaspillage alimentaire dans la restauration collective. Par un amendement gouvernemental, la mise à disposition de "doggy bag" dans les restaurants, permettant aux clients de repartir avec les restes de leur repas, ne sera pas forcément gratuite. En outre, à partir de 2020, l'utilisation de certains produits phytopharmaceutiques à proximité des habitations sera subordonnée à des mesures de protection pour les populations, en vertu d'un autre amendement gouvernemental.

En l'absence de telles mesures, ou dans l'intérêt de la santé publique, le préfet pourra restreindre ou interdire l'utilisation de tels produits. Enfin, comme en écho aux conclusions rendues mercredi par la commission d'enquête parlementaire sur la contamination de laits infantiles Lactalis, les députés ont en outre donné leur feu vert, via un amendement PS, à un site internet dédié aux procédures de retrait des denrées alimentaires.   Le projet de loi doit être examiné dans l'hémicycle de l'Assemblée à compter du 4 septembre.