Sénat: le gouvernement fait échouer la revalorisation des retraites agricoles

Le gouvernement a fait échouer mercredi au Sénat, pour la deuxième fois, l'adoption de la proposition de loi communiste destinée à revaloriser les retraites agricoles en demandant un vote bloqué sur le texte.

Le vote bloqué, conforme à l'article 44-3 de la Constitution, oblige les sénateurs à se prononcer par un seul vote sur la proposition de loi, amendements du gouvernement compris. Le texte, voté à l'unanimité à l'Assemblée il y a plus d'un an, nécessitait un vote conforme du Sénat, ce qui semblait acquis alors la commission des Affaires sociales du Sénat l'a adopté à l'unanimité aussi. Or lors de son premier examen devant le Sénat, en mars, le gouvernement a déposé un amendement repoussant à 2020 son application, au lieu de 2018, estimant que "l'amélioration des petites pensions agricoles ne peut être envisagée indépendamment des autres évolutions qui affectent notre système de retraites". Pour l'ensemble des sénateurs, cela aurait conduit "à reporter sine die" la proposition de loi. Les sénateurs CRCE (à majorité communiste) avaient décidé de reporter son examen à ce mercredi. Le gouvernement a alors déposé de nouveaux amendements, dont un en faveur des conjoints d'agriculteurs.

Sa version du texte a recueilli 22 voix pour, celles des sénateurs LREM, et 252 contre. "Il ne serait pas raisonnable de statuer pour un seul corps", indépendamment de la réforme des retraites en préparation par le gouvernement pour 2020, a fait valoir la ministre des solidarités et de la santé Agnès Buzyn. Elle a aussi souligné que c'était la première fois que l'on s'intéressait au sort des conjointes des exploitants agricoles. "Les organisations syndicales ont compris la démarche du gouvernement", a surenchéri Martin Lévrier (LREM). "A l'inverse de la plupart d'entre vous, la FNSEA a compris l'intérêt d'attendre 2020", a-t-il lancé sous les huées de ses collègues.  

"Soirée noire pour la démocratie"

Avec ce vote bloqué, il s'agit "d'un enterrement de première classe d'une proposition de loi soutenue par tout le monde", leur a répondu Pierre Laurent (CRCE). "Vous avez expédié en 15 secondes votre réponse sans opposer le moindre argument à toutes nos interventions", a-t-il reproché à Mme Buzyn. "Tous ce que vous avez fait, c'est afficher votre mépris, mépris pour le monde agricole, mépris pour le parlement", a ajouté le secrétaire national du PCF. Parlant de "soirée noire pour la démocratie", Patrick Kanner, numéro un du groupe du PS, a accusé le vote bloqué de "museler la démocratie". Laurent Duplomb (LR) a parlé d'"une attitude de mépris à l'égard de la ruralité". "Vous avez une obstination tout-à-fait jacobine", a-t-il dit à Mme Buzyn. "Nous restons convaincus du bien-fondé de ce texte car il y a urgence à apporter un soutien au monde agricole en grande difficulté. Ce texte n'est pas en contradiction avec la future réforme des retraites préparée par le gouvernement", a soutenu la centriste Elisabeth Doineau.  

Signe de la tension dans l'hémicycle, le président du Sénat Gérard Larcher (LR) a présidé lui-même la première partie des débats pour en assurer la bonne tenue. L'auteur du texte, le chef de file des députés communistes André Chassaigne, avait pris place dans les tribunes aux côtés de retraités agricoles. La proposition de loi prévoit la revalorisation des retraites agricoles à 85% du Smic net pour une carrière complète de chef d'exploitation au 1er janvier 2018. Elle propose aussi des dispositions spéciales pour les outremers. Mercredi, les sénateurs s'étaient déjà opposés au gouvernement en se prononçant, à l'unanimité moins une voix, en faveur de l'indemnisation des propriétaires d'un immeuble de Soulac (Gironde), Le Signal, menacé par l'érosion.

Pour aller plus loin : Retraites agricoles: de très faibles pensions, un régime déséquilibré