Surplus de lait : "nous nous lançons dans la fabrication de beurre"

La crise du Covid-19 force de nombreux agriculteurs à repenser leur commercialisation, mais aussi leur production : face à la perte de débouchés pour leur lait, Nicolas et Camille Grymonprez, éleveurs en Seine-et-Marne, se lancent dans la fabrication de beurre.

Avec les mesures de confinement, "on s'est retrouvés avec 50% de fromages sur les bras", résume Nicolas Grymonprez, éleveur de vaches laitières avec sa femme Camille à Saint-Mars-Vieux-Maisons (Seine-et-Marne). Habituellement, la moitié du lait de leurs 35 montbéliardes est transformée sur la ferme, et l'autre est vendue à une société d'affinage associée à l'exploitation. Or, celle-ci écoule 90% de ses fromages sur les foires et marchés, pour la plupart annulés ou interdits.

"Cette crise nous fait repenser totalement notre commercialisation", constate Nicolas. Les fromages transformés sur l'exploitation sont d'ordinaire vendus en grande partie sur la région parisienne, en AMAP, en boutiques et pour des restaurateurs. "Avec cette crise, on se dit qu'il faudrait se concentrer davantage sur la vente locale", estiment les éleveurs, qui ont également une boutique à la ferme. Pour tenter d'écouler leur production, ils ont démultiplié les canaux de vente, via notamment les sites de vente en ligne : La Ruche qui dit Oui, Biovor, ou encore Cagette.net. Ce dernier permet aux agriculteurs d'organiser la réservation des produits, la mise en commun des points de vente, voire même l'organisation de marchés entre producteurs.

Mais en dépit de ces nouveaux débouchés, Camille et Nicolas Grymonprez ont dû se résoudre à diminuer leur production de lait. "Nous sommes passés en monotraite, indique Nicolas. Cela me permet de réduire les volumes de 20% environ, alors que la mise à l'herbe avait boosté la production". Mais le passage à la monotraite n'est pas sans conséquences. "Mon potentiel de production est grevé sur les trois à six mois à venir", estime-t-il.

Pour trouver des débouchés au surplus de production restant, Camille et Nicolas ont décidé de se lancer dans l'inconnu : fabriquer du beurre. Avec 20 litres de lait pour faire 1 kg de beurre (contre 10 litres pour 1 kg de fromage), le beurre offre en effet le meilleur rendement pour la transformation du lait. "Nous y avions déjà pensé auparavant, mais sans jamais y passer car quand on fait du beurre, il faut aussi penser au débouché pour le lait écrémé, raconte Nicolas. Or, ce n'est pas un produit que notre clientèle recherche. Les clients viennent plutôt à la ferme pour acheter du lait entier !"

C'est donc à la faveur de la crise que l'idée du beurre a refait surface. Les éleveurs savent que ce produit trouvera des acheteurs. "Les clients nous demandent régulièrement si on a du beurre, fait savoir Nicolas. On espère aussi toucher une nouvelle clientèle qui recherche un produit hyper qualitatif : du beurre fermier et bio, ce n'est pas si fréquent".

Les associés envisagent d'utiliser le lait écrémé issu du beurre pour nourrir les veaux et ainsi démarrer une production de veaux, voire de boeufs. "Depuis quelques mois, le cours du veau mâle est très bas et j'avais déjà commencé à garder quelques mâles", indique Nicolas. Avec leur salarié fromager, ils souhaitent aussi tester la fabrication de fromages au lait écrémé et ainsi développer davantage leur gamme de produits.

Pour faire face à cet investissement imprévu, Camille et Nicolas Grymonprez ont lancé une campagne de financement participatif avec un objectif de 15 000 euros pour acheter une baratte à beurre, une écrémeuse et une nouvelle chambre froide. "Le financement progresse bien, le palier de 8000 euros a été atteint, nous allons donc pouvoir commander la baratte cette semaine", fait savoir Nicolas. D'ici trois à quatre semaines, les clients de la ferme Sainte-Colombe pourront donc goûter à ce beurre fermier qu'ils attendaient tant.