Diversification - Mickaël Magne, le cuir dans la peau

Pour mieux valoriser son élevage de veaux sous la mère, Mickaël Magne vend la peau de ses bêtes à un sellier de luxe. Une montée en gamme qui va de pair avec un plus grand bien-être animal.

7 h 30 dans la salle de tétée. Parmi les 62 vaches limousines à robe rousse réunies avec leurs petits, deux sortent du lot : une normande et une montbéliarde. Les deux laitières supplémentent la ration de lait des veaux les plus âgés qui partiront bientôt pour l'abattoir. Voilà bientôt quinze ans que Mickaël Magne s'est installé avec son cousin à Saint-Méard-de-Drône, en Dordogne, pour élever des veaux sous la mère estampillés Label rouge. Mais depuis 2014, les deux associés parviennent aussi à valoriser leurs bêtes pour leurs peaux. « Nous sommes rémunérés à hauteur de 40 € par peau », précise Mickaël. Dix euros sont pris en charge par la coopérative Univia qui emmène les bêtes à l'abattoir. Les trente euros restants sont versés par CWD-Devoucoux. Ce fleuron de la sellerie sportive française, basé à Nontron (dans le nord du département) transforme les peaux en selles de cheval sur mesure. « Ils avaient des problèmes d'approvisionnement en peaux, raconte Mickaël. Elles venaient de l'étranger, mais elles étaient parfois piquées. Ils ne savaient pas trop quelle qualité ils allaient avoir. »

Des peaux de qualité pour réduire les importations.

Entre le Gaec de la Tour et les ateliers de CWD, les veaux passent entre les mains de quatre intermédiaires : la coopérative, l'abattoir, le transporteur et le tanneur. Pour s'assurer qu'aucune peau de qualité ne se perde en route ou ne soit confondue avec le cuir d'un simple veau de boucherie, Mickaël a recours à un double système de traçabilité : « On colle une pastille jaune dans le passeport du veau et un macaron vert sur l'animal (...) Quand le veau arrive à l'abattoir, le bouvier sait déjà qu'il est destiné au Pôle d'excellence rural Cuir (PER). Il le met de côté et tous sont abattus en même temps. » Le PER Cuir a été créé en 2012 par la chambre économique de Dordogne (qui regroupe les trois chambres consulaires du département). Le but ? Réduire l'importation des peaux et booster la qualité des cuirs produits sur le territoire. Vingt-quatre exploitations ont accepté de relever le défi. Les conditions ? « Il fallait être localisé dans le Périgord vert, adhérer au plan sanitaire de la chambre et faire abattre nos animaux dans le département, à Ribérac ou à Thiviers, après quoi les peaux partent à la tannerie de Chamont », précise Mickaël.

L'objectif : « 60 à 80 € par peau ».

Pour obtenir un cuir de haute qualité, il faut une peau sans aucune aspérité. Le jeune éleveur a donc remplacé toutes ses clôtures barbelées par du fil électrique lisse pour éviter les égratignures. « On a fait ça en deux ans, parce qu'il a fallu élaguer les arbres. » En tout, 11 km de fil ont été posés autour de 70 ha de prés. « C'est un fil électrique simple qui résiste à 600 kg de charge. Une vache qui bomberait dedans, elle s'arrêterait ! » Coût de l'installation : 8 400 €, dont la moitié a été financée par les aides européennes Leader, le conseil régional et le conseil départemental. Mickaël a aussi pris à bras-le-corps le problème des poux et de la teigne. « Les poux font des trous dans la peau et la teigne laisse de grosses tâches. À la tannerie, ils ne peuvent pas s'en servir. (...) Les pertes, ils n'en veulent pas. C'est donc à nous de faire attention qu'il n'y ait pas de parasites. » L'éleveur administre à ses jeunes veaux un traitement antiparasitaire, en deux fois « car ça semble plus efficace, ils se grattent moins et profitent plus ». Sans oublier le vaccin contre la teigne dès la naissance.

JAMAG  n° 747: Laurene Mainguy