Volaille : la fermeture de la restauration hors domicile rebat certaines cartes

Si la consommation de volaille augmente de façon continue depuis les années 2000, les achats des ménages tendent eux à régresser. La croissance est passée par la RHD avec à plus de 80% de la volaille importée de chez nos voisins européens. Le covid-19, en conduisant à fermer tous les lieux de consommation hors domicile, rebat les cartes, au moins temporairement, en matière de types de produits consommés.

La production de poulets lourds sexés est d'ordinaire spécifiquement destinée à la restauration hors domicile (RHD). La fermeture de tout ce secteur d'activité oblige à produire des animaux plus légers pour les GMS, pour le poulet entier comme pour les découpes. Les poulets, mâles comme femelles devraient quitter les élevages entre 35 et 38 jours pour un poids inférieur à 2 kg contre plus de 2,5 kg habituellement. Les marges des éleveurs seront impactées à la baisse.

Par ailleurs, avec des familles réunies autour de la table midi et soir et un temps pour cuisiner revu à la hausse, les poulets entiers labels reprennent des couleurs. Il s'agit de produits qui n'entraient pas dans le circuit RHD donc ne souffrent pas de l'arrêt de celui-ci. Ils bénéficient au contraire de l'augmentation des achats en GMS.

Quelles espèces de volailles sont consommées ? En ce début de confinement, les achats ont surtout porté sur les produits de 1re nécessité (volaille et dinde), beaucoup moins sur les volailles plus élaborées (canard, pintade, caille, pigeon...). D'où du stockage pour certaines productions et un flux tendu pour d'autres.

En cas d'engorgement de certaines productions, les vides sanitaires seraient allongés d'où une répercussion sur les marges des éleveurs.

Côté main-d'œuvre, le problème pour l'amont pourrait venir d'une pénurie dans les services de ramassage. Les équipes doivent justifier de circuler à plusieurs dans des véhicules. Il faut aussi qu'ils puissent se procurer des masques pour se protéger d'une part des poussières, d'autre part du covid-19.

Dans l'aval, les industriels s'inquiètent eux d'un possible manque de personnel dans les abattoirs. Dans ce cas, les durées d'élevage pourraient s'allonger, en particulier pour les dindes, plus faciles à stocker sur pied que les poulets.

Au-delà de l'urgence immédiate, la question est de savoir comment adapter les plannings de production pour les faire coller à la consommation alors que la durée globale du confinement est pour l'instant très hypothétique. Pour des animaux mis en place aujourd'hui, la production pourrait arriver sur les étals à la fin du confinement.

Le poulet export destiné au Moyen-Orient pourrait souffrir de la chute des cours du pétrole et du développement de l'épidémie dans cette région du monde.

Le covid-19 devrait remettre sur le devant de la scène la question de l'étiquetage de l'origine des produits. La filière volaille française mise sur cette obligation pour appuyer sa reconquête du marché de la RHD. L'addition « confinement + étiquetage » conduira-t-elle au retour de la volaille tricolore dans les sandwichs du midi et sur les plateaux des collégiens ?

Anne BRAS-cerfrance