[Med’Agri] L’heure (et les horaires) de vérité pour le maraichage sur 1 ha

Les réseaux bio s’apprêtent à lancer une étude nationale de 3 ans sur 60 exploitations représentatives du maraichage diversifié sur moins de 1 ha. De quoi éclairer les porteurs de projets et clarifier le scepticisme entourant ce système. La Région Rhône-Alpes livre déjà quelques enseignements.

Le maraichage diversifié sur moins de 1 ha. Ses utopistes, ses mythes, son prétendu bénévolat forcé, voire ses dérives sectaires. Mais sa réalité et ses réussites aussi. Le système attire autant de prétendants que de pourfendeurs. Les premiers sont attirés par un mode et un environnement de production et de commercialisation conciliant attentes sociétales (proximité, traçabilité, sécurité) et projet de vie où les aspirations sociales et écologiques comptent autant que les objectifs économiques. Les surfaces en jeu (1 ha ou moins) évacuent d'emblée la problématique foncière, facteur éminemment limitant à l'installation. Le mouvement s'inspire de pionniers tels que la Ferme du Bec Hellouin (Eure), le « fermier de famille » québécois Jean-Martin Fortier ou l'américain Eliot Coleman dans l'État du Maine. Les pourfendeurs doutent de la productivité, de la rentabilité et la viabilité du système, sauf à avoir recours à une main d'œuvre en partie gratuite. Qu'est est-il ? Dominique Berry, conseiller maraichage bio à la Chambre d'agriculture du Rhône, dispose de quelques éléments de réponse. En 2017, il a co-réalisé une étude portant sur 16 exploitations disséminées dans six départements de la Région Rhône-Alpes. « On observe la même disparité de résultat chez les maraichers sur 1 ha ou moins que sur ceux installés sur 2 à 5 ha », indique-t-il. « Environ une sur deux fonctionne correctement. L'une des exploitations enquêtées a plus de 30 ans de recul, preuve s'il en est que le système peut fonctionner ».

Main d'œuvre non salariée non exploitante

Les 16 exploitations enquêtées (3 ans et plus d'ancienneté, expérience préalable d'un an minimum, comptabilité exploitable), dont 14 en AB, affichaient une surface cultivée moyenne de 6874 m2 (bandes de culture + passages de roue), dont 701 m2 sous abri, soit une surface développée de 9002 m2, dont 1548 m2 sous abri. « Le taux d'utilisation des surfaces est ainsi de 1,2 en plein champ et de 2 sous abri, ce qui ne les distingue pas des exploitations de 2 à 5 ha », constate Dominique Berry. « L'intensification est donc toute relative ». S'agissant du travail, les 16 exploitations requièrent en moyenne 1,25 UTH/an, dont 0,79 UTH fourni par l'exploitant, soit 2376 heures/an. Les salariés fournissent en moyenne 0,14 UTH. « Le solde, soit 0,31 UTH, soit 25 % du temps de travail total, est fourni par de la main d'œuvre non exploitante non salariée », poursuit le conseiller. « Là encore, ce n'est pas très différent des maraichers installés sur 2 à 5 ha. Mais il n'empêche que cette donnée n'est pas anodine en termes de charges, de coûts de production et d'EBE. L'EBE moyen par exploitant est de 15637 €, avec un mini à 1942 € et un maxi à 25760 €. Si on valorise la main d'œuvre non exploitante non salariée à 12 €/h, l'EBE moyen tombe à 9313 €, avec un mini à -11906 € et un maxi à 22152 € ». La valorisation horaire passe quant à elle de 7,14 €/h à 4,19 €/h, soit un niveau moyen inférieur au Smic horaire net (7,52 € en janvier 2017).

Trois piliers de réussite

L'étude pointe la prééminence des ventes en paniers (Amap), allégeant la charge de commercialisation (par rapport à la vente ne marché) et de préparation au profit de la production. Les 16 exploitations recouraient en moyenne à trois modes de commercialisation, gage de stabilité et de sécurité. Les chiffres soulignent la diversité et la disparité des résultats évoqués précédemment. Défenseurs et pourfendeurs y trouveront donc de quoi alimenter leur point de vue. « Les systèmes maraichers diversifiés reposent sur la commercialisation, le calibrage de l'outil de production et la performance du producteur, du point de vue agronomique, organisationnle, commercial », souligne Oriane Mertz, conseillère maraichage à Agri Bio 84 (Vaucluse). « La question de la pénibilité, de la durabilité et de la vivabilité questionne toutes les exploitations maraichères sans exception. Aujourd'hui, les consommateurs sont au rendez-vous mais la poussée de la grande distribution dans le bio interroge sur les niveaux de marge futurs ».