Blé : exportations et marché intérieur sont Jean qui rit et Jean qui pleure

"Un record historique" : les exportations de blé tendre français vers les pays tiers battent plus que jamais leur plein, dynamisées notamment par les craintes liées à la pandémie de Covid-19, qui à l'inverse, a plongé le marché intérieur dans la déprime.

FranceAgriMer a indiqué le 15 avril avoir révisé à la hausse ses prévisions d'exportations vers les pays tiers (hors-UE) de 500 000 tonnes par rapport au mois dernier. Il table désormais sur 13,2 millions de tonnes de grains vendus notamment vers ses clients traditionnels, comme l'Algérie ou l'Afrique de l'Ouest. "Si le chiffre est effectivement réalisé, ce sera un record historique pour les exportations françaises de blé tendre vers les pays tiers", a déclaré lors d'une conférence de presse Marc Zribi, chef de l'unité "grains et sucre" de FranceAgriMer.

Une performance imputable notamment aux chargements vers la Chine, qui s'élevaient au 10 avril, selon FranceAgriMer, à 1,14 million de tonnes. Le Maroc, touché par la sécheresse, a également permis d'écouler à ce stade plus de 1,6 million de tonnes.

Après un effondrement au cours de la première quinzaine de mars dans le sillage des cours pétroliers, les prix du blé ont repris depuis du poil de la bête en raison de la forte demande mondiale, "liée au besoin de sécuriser, de reconstituer des stocks de pays structurellement importateurs", a souligné M. Zribi. Pour lui, "les prix des blés français restent toujours extrêmement compétitifs comparés aux autres origines" et notamment par rapport au blé de la mer Noire.

Une compétitivité qui a permis aux opérateurs de surmonter des difficultés liées aux mesures de confinement mises en place en France. "Des opérateurs disent qu'il y a des difficultés d'approvisionnement sur les ports de la façade atlantique", a indiqué Marion Duval, adjointe de M. Zribi, évoquant également "le retour à vide des camions qui engendre un renchérissement du coût du fret".

"Nous prenons à notre charge à ce jour les coûts de fonctionnement supplémentaires et nous prenons aussi à notre charge les coûts de transport quand il y a des retours à vide", a souligné de son côté Jean-François Loiseau, président d'Intercéréales.

Il a néanmoins dénoncé l'attitude de certains distributeurs, qui vendent la farine "par blocs de 10 kilos à un prix trois fois supérieur au prix où nous vendons cette même farine aux grandes surfaces". "Nous répertorions ces coûts. Le temps viendra où nous présenterons ces chiffres, notamment au ministère de l'Economie et des Finances", a-t-il prévenu. Car si la demande de farine pour la maison a explosé ces dernières semaines, vidant les rayons des supermarchés, elle ne représente qu'une infime partie (environ 5%) du chiffre d'affaires de la meunerie française, par ailleurs pas à la fête.

"La vente aux boulangeries est en baisse, (...) en moyenne de 30% par rapport aux années précédentes, quels que soient les circuits de distribution", a ainsi déclaré à l'AFP Marc Bonnet, directeur de la filière CRC (Culture Raisonnée Contrôlée). La boulangerie artisanale a même connu, "après l'euphorie de la première semaine (de confinement), un effondrement de 50%", selon M. Loiseau. Il souligne que ce secteur représente "le segment où il y a le plus de marge" pour les meuniers. En cause, notamment, un effondrement des ventes de sandwiches. Par conséquent, FranceAgriMer a révisé à la baisse, de 150 000 tonnes, ses prévisions de ventes de blé destiné à la panification en France.

Autre débouché en berne, celui des biocarburants, "du fait d'une moindre consommation, en France mais aussi chez nos voisins européens", selon Mme Duval, qui a souligné que ce débouché avait également été révisé à la baisse de 150 000 tonnes. De ce fait, "on observe une baisse assez conséquente de l'exportation vers l'Union européenne", notamment vers les pays du nord qui connaissent les mêmes difficultés.

Autre conséquence : la baisse de la fabrication de biocarburants entraîne aussi la diminution des quantités de drêches destinés à l'alimentation animale. "Il semblerait que seulement 60% des contrats en drêches de maïs soient honorés aujourd'hui du fait de la baisse de l'éthanolerie, a indiqué Mme Duval. La questions des substituts se pose alors pour les éleveurs et pour les fabricants d'aliments".