Coopérative du Haricot tarbais (65) : une bonne tutrice

Relancé il y a 30 ans, le haricot tarbais, Label rouge, ne laisse pas sur leur faim les 60 adhérents de la coopérative. Cultivé sur tuteurs, son mode de récolte, obligatoirement manuel, génère 30 équivalents temps plein, auxquels s’ajoutent les 8 salariés de la coopérative. Un ingrédient de la recette ? Des adhérents coopérateurs à 100 %, un principe auquel les jeunes souscrivent.

La fin des haricots : c'est ce que la plaine de Tarbes (Hautes-Pyrénées) a failli vivre dans les années 80. Le haricot est alors une victime collatérale de l'intensification du maïs, qui goûte de moins en moins son rôle de tuteur pour la légumineuse. La fin d'une union remontant au 18ème siècle ! Chance, au 21ème siècle, le compagnonnage intraparcellaire des espèces (agroforesterie, plantes compagnes, relay cropping...) redevient tendance pour ne pas dire agroécologique tandis que l'on revisite les vertus agronomiques (fixation d'azote) et alimentaires (protéines et fibres) des légumes secs. La donne économique a également changé. « Dans le passé, le haricot faisait office de complément de revenu », déclare Jean-Marc Bédouret, président de la Coopérative du haricot tarbais. « Aujourd'hui, quand le haricot tarbais va bien, l'exploitation va bien ».

A quelques kg près

Le haricot tarbais doit son salut à une dizaine d'agriculteurs en quête de diversification, à quelques restaurateurs en quête de produits du terroir et à quelques figures, dont Pierre Pujol, conseiller de la Chambre d'agriculture, aujourd'hui retraité. C'est sous son impulsion qu'un conservatoire de l'espèce sera créé en 1986, à partir de quelques kg glanés ici ou là dans quelques fermes. Le conservatoire constituera la base de la renaissance du haricot. Il débouchera sur l'inscription de deux variétés au Geves, à commencer par Alaric (2000) et... Lapujole (2007). L'autre figure, c'est Serge Lagarde, le premier président de la Coopérative, créée en 1988. Après avoir sauvegardé l'espèce, la coopérative s'attachera à protéger le nom et le mode de production, ce qui sera acté par l'obtention du Label Rouge en 1998 et de l'IGP en 2000. La coop sera reconnue comme organisation de producteurs (OP) en 2002.

Les limites du mono-produit

En 2017, la culture était déployée sur environ 150 ha par 60 adhérents. Le mode de conduite se partage équitablement entre tuteur maïs et tuteur filet. Ce dernier génère un rendement compris entre 20 à 25 q/ha. Sur tuteur maïs, le rendement en haricot oscille entre 8 et 10 q/ha et entre 40 et 50 q/ha pour le maïs grain. Mais le haricot à la peau fine, délicat en bouche, léger et digeste, est capricieux en terre. Son rendement fluctue beaucoup au gré des aléas climatiques, ce qui ne simplifie pas la gestion de la coopérative, qui doit faire face à des hauts (235 t en 2017) et à des bas (41 t en 2013). « Pour déjouer ces fluctuations et notre dépendance à un seul et unique produit, nous avons créé en 2015 Pyren'Alliance, une société commerciale à 50/50 avec Toupnot, une entreprise de production de conserves basée à Lourdes », explique Jean-Marc Bédouret. « Elle nous permet d'étoffer notre offre, de dynamiser notre politique commerciale, d'abaisser notre seuil de rentabilité du point de vue du tonnage annuel fluctuant, bref de sécuriser et de développer notre activité ». Le haricot tarbais est aujourd'hui décliné en 23 références auxquelles s'ajoute la vente de semences en jardineries. Pas question de s'enflammer pour autant : « on adapte les volumes commercialises à notre capacité de production et pas l'inverse », précise le président.

Une légumineuse aux legs lumineux

La recette est plutôt bonne. A 5,2 € le kg payé au producteur (2017), question marge brute, le haricot supporte allègrement la comparaison avec bon nombre de productions végétales et animales de la région. Rendu au consommateur, le prix varie entre 12 et 13 €/kg, ce qui en fait un haricot de luxe, comparé aux 4 €/kg d'un haricot générique. Luxe : le président goûte peu le qualificatif. « Nous élaborons un produit de qualité, contrôlé par un organisme extérieur et récolté 100 % à la main. Nous incitons nos adhérents à faire revenir le haricot tous les 5 à 6 ans seulement sur la même parcelle, assortie d'une analyse de terre. Un numéro de lot haricot tarbais sec, c'est un producteur, une parcelle, un tuteur et une date de triage. Si nous comptons des chefs trois étoiles parmi nos clients, notre haricot n'est pas réservé à une élite ». Il est vrai que le grammage de 60 g met la portion à 80 centimes... Et puis la récolte manuelle génère des retombées au-delà des exploitations. « Le haricot tarbais, c'est 200 saisonniers en octobre-novembre, 45 000 heures travail, soit 500 000 euros injectés en salaires dans l'économie locale, autant de valeur non délocalisable ».

100 % coopérateurs

Aux côtés de la coopérative, une dizaine de producteurs indépendants produit et commercialise dans le respect du Label Rouge. On peut être pour ou contre la coopérative mais on ne peut pas être à la fois dedans et dehors : à la Coopérative du haricot tarbais, la règle de l'apport total s'applique. Au cours des années passées, une dizaine de jeunes nouveaux adhérents a intégré la coop. Si le haricot tarbais a besoin de tuteurs, la coopérative est visiblement une bonne tutrice.