[Réactions] Après la démission de Hulot, l'agriculture face à un choix tranché

Le départ de Nicolas Hulot place le monde agricole et le gouvernement devant la responsabilité d'assumer l'impact du changement climatique, visible dans les champs et les vignobles, ou de s'engager réellement dans une "transition" vers un autre modèle.

Pesticides, irrigation, biocarburants, réintroduction des loups et des ours: comme ministre Nicolas Hulot s'est confronté à de nombreuses reprises avec les représentants du secteur agricole, au nom du climat, de la biodiversité, de la santé publique ou pour lutter contre la malbouffe. La sécheresse historique cet été, assortie d'incendies de forêts en Europe du nord et jusqu'en Suède, la multiplication des aléas climatiques imprévus, comme gels tardifs et grêle intempestive, et l'avancement continu des dates de récolte (30 jours en 30 ans sur le vignoble en France), lui ont donné raison sur le constat: le réchauffement est là.

Positif et négatif 

"Mais, M. Hulot s'est contenté d'être dans l'incantation, incapable de décliner une véritable vision agricole, on ne le regrettera pas", dit Laurent Pinatel, porte-parole de la Confédération paysanne. "Mis à part le dossier de l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes où il a eu un rôle très positif selon nous, et celui des loups et des ours, où il a eu un rôle très négatif, il a été incapable de peser d'aucun poids réel sur les sujets agricoles", ajoute-t-il. La FNSEA, rejoint la Confédération Paysanne sur un point, "l'agriculture est en transition, mais il faut des rythmes et des moyens". Quand M. Hulot dit +je n'ai pas eu assez de moyens+, oui bien sûr, je partage (...) nous n'avons pas assez de moyens pour changer les choses", a déclaré à l'AFP Christiane Lambert, présidente de la FNSEA. Ce sont les ONG qui ont "poussé à bout" M. Hulot, a estimé la patronne de la FNSEA, en soulignant "la goutte d'eau qui a fait déborder le vase": la présence à l'Elysée d'un lobbyiste pro-chasse lundi soir alors qu'il n'était pas invité.

"Echec sur la méthode"

"On se fixe des objectifs, mais on en a pas les moyens parce qu'avec les contraintes budgétaires, on sait très bien à l'avance que les objectifs que l'on se fixe on ne pourra pas les réaliser", avait déploré Nicolas Hulot en annonçant son départ sur France Inter. "Le constat d'échec" fait par Nicolas Hulot, "pour moi, c'est aussi un constat d'échec sur la méthode. Ce n'est pas par la coercition et la contrainte qu'on arrivera à trouver les voies et moyens", a souligné Arnaud Rousseau, céréalier en Seine-et-Marne, patron de la branche oléagineux de la FNSEA et du groupe Avril. Très souvent opposé aux solutions prônées par M. Hulot, M. Rousseau dit néanmoins avoir du "respect" pour Nicolas Hulot qu'il qualifie de "sincère". "Peut-être qu'il a été trop impatient ?", s'interroge Jean-Baptiste Millard, du think tank Agridées, en évoquant le décalage temporel entre les mondes paysan et politique: "le temps de l'agriculture, c'est un temps long". 

Changement de tropisme

Plusieurs acteurs du monde agricole estiment néanmoins que, avec ou sans Hulot, le mouvement de l'agroécologie se poursuivra sous la pression de l'opinion et des consommateurs. "Il y a une aspiration à manger mieux dans les villes et une volonté des collectivités locales pour s'organiser qui appellent à un changement de modèle agricole", estime Laurent Pinatel: "Nous sommes dans les soubresauts d'un système qu'il va falloir faire évoluer, avec ou sans Hulot". Constat partagé par Jean-Baptiste Millard. M. Hulot s'est d'ailleurs félicité d'avoir "changé de tropisme sur les pesticides" et d'avoir fait entrer le pays "dans une dynamique qui va nous permettre de nous séparer, un par un, d'un certain nombre de molécules". Mais cet optimisme est loin d'être partagé par tout le monde: "La démission de Nicolas Hulot est une victoire pour les lobbyistes du glyphosate et de l'agriculture intensive et de mauvais augure dans la perspective de la prochaine PAC (politique agricole commune)", a ainsi déclaré sur Twitter l'eurodéputé socialiste Eric Andrieu.

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