De la production à la récolte : se défaire de l’achat de protéine

Dans le cadre du programme Cap Protéine, la Ferme expérimentale des Bordes a mis en place en 2021 un essai pour évaluer l’intérêt du méteil riche en protéagineux dans les rations de bovins à l’engraissement. Cet essai va du semis à l’abattoir. Les premiers résultats ont été dévoilés aux éleveurs, le 26 avril.

Se défaire de l’achat de protéine dans un contexte chahuté est un objectif des éleveurs. La solution réside peut-être dans la production et l’intégration dans la ration de méteil riche en protéagineux, une piste testée à la Ferme expérimentale des Bordes.

16 % DE MAT VISÉS

Ce sont 20 hectares, répartis sur six parcelles, qui ont été dédiés à l’essai sur le méteil riche en protéagineux. Le mélange MCPI (mélanges céréales protéagineux immatures) a été semé sur un précédent céréale ou prairie, selon la parcelle. « Nous avons fait un apport de 18 t/ ha de fumier, aucune fertilisation. La féverole a été semée à la volée et ensuite nous avons réalisé un labour à 20-22 cm de profondeur. Le reste du mélange a été semé le 20 octobre 2021, au combiné à 2-3 cm de profondeur. Le passage de rouleau qui s’en est suivi a offert un bon contact sol-graine et une implantation plus homogène. Le mélange implanté correspondait à 140 graines par m2 », retrace Carole Gigot, ingénieure Arvalis à la Ferme des Bordes. 

Les intervenants rappellent qu’en zone vulnérable en Centre-Val de Loire, si le nombre de graines de protéagineux est inférieurs à 25 % du mélange, aucun apport d’azote n’est possible. Le mélange choisi (voir tableau) avait pour objectif de répondre à l’impératif : produire un méteil à plus de 16 % de MAT. 

Tout au long de l’essai, des mesures ont été réalisées, notamment le suivi des levées afin de déterminer la proportion d’espèces présentes par pied au m2 carré. Il a été constaté une très bonne levée pour les vesces et les féveroles et un taux de réussite de 80 % pour les pois et de 65 % pour les céréales. 

CONSERVER LE MAXIMUM DE FEUILLES

A la récolte, l’objectif fixé était de 27 % de matière sèche (MS), le déclencheur du chantier était le stade des céréales, fin montaison-début épiaison. Ce repère semblait être un bon compromis car les vesces et la féverole étaient en floraison et le pois au stade bourgeonnement.

« Nous avons fauché le 29 avril 2022. Nous n’avions pas estimé un chantier si long. En effet le matin les andains étaient pleins de rosée et le soir, ils étaient bien secs. Dans cet objectif de 27 % de MS, il nous fallait conserver le plus de feuilles possible, d’où une fauche avec une conditionneuse à rouleau à 8-10 cm de hauteur. Les andains ainsi posés sur les chaumes étaient plus facilement reprenables. Et cette approche limitait la remontée de terre ou de cailloux dans le fourrage », détaille Eric Moreau, responsable de l’exploitation de Bordes.

RÉDUCTION DRASTIQUE DES TOURTEAUX

Après un préfanage de quatre jours, le fourrage a été ensilé (3 mai 2022) et le produit final est à 26 % de MS, « aucun conservateur n’a été ajouté lors de l’ensilage », ajoute Carole Gigot.

"Ne soyez pas surpris, alerte Eric Moreau, la féverole se tasse très bien mais se colore, elle perd sa couleur verte, c’est normal. "

 Le fourrage a été stocké dans deux silos, avec un sol bétonné et un mur, et a été recouvert de deux épaisseurs de bâche, « deux fois la même bâche », précise l’ingénieure, le tout était surplombé de boudins de sable, afin de maintenir le contact bâche-fourrage.  

« Nous aurions dû mieux répartir la charge, car on pouvait voir un début de fermentation. Cependant, nous n’avons eu aucun problème d’ensilage et nous estimons les pertes à moins de 5 % des silos ».  Le fourrage ainsi obtenu a été intégré dans la ration des JB à l’engraissement, depuis l’automne dernier. Selon les modalités de ration, les tourteaux de colza ont été fortement diminués, voire ont disparu de la ration.