La viande bovine va-t-elle subir la pression des distributeurs ?

L’aspect psychologique d’un produit cher est un marqueur de la viande bovine, mais quand les achats se rabattent sur la viande hachée ce n’est pas toujours pour le prix, mais surtout par une modification profonde des habitudes alimentaires.

Conjoncture - Le climat commercial est pesant dans les outils industriels, face à des commandes peu soutenues dans les pièces nobles à griller. Malgré une météo plus propice aux grillades, ce mois d’avril confirme le repli des achats des ménages sur la viande bovine à la coupe, que ce soit dans les GMS ou les boucheries traditionnelles. Certains abatteurs parlent d’un recul de 10 voire 15% selon les magasins. Ce repli est à mettre sur le dos des nombreuses augmentations de ces dernières semaines qui ont amené les ménages à faire des choix. Le recul de la consommation est également un phénomène récurent, en période de tension sociale.

Alors que les prix des bovins rendus en abattoirs ont atteint un point d’apogée fin mars, les industriels ont profité d’un rééquilibrage du ratio offre/demande pour inverser la tendance. Ce changement d’orientation de marché est également et surtout imposé par la très forte pression des viandes d’importation sur notre marché intérieur. Cette concurrence intraeuropéenne montre également les limites de notre système et surtout sa fragilité quand le prix de l’import donne le tempo. C’est bien là, toute la réflexion sur les orientations que nous souhaitons donner à notre agriculture et nos élevages pour nous nourrir dans les prochaines années.  

Chacun s’accorde à recentrer le sujet sur la dépendance alimentaire et à la défense de la planète. Un repli sur un marché hexagonal pour protéger les éleveurs, avec une population qui reste attachée au VBF, mais qui faute de moyen pourrait rapidement se tourner vers des viandes plus abordables notamment pour les populations aux revenus précaires. Les grands pays producteurs sont à l’œuvre pour faire aboutir les accords de libres échanges. La position de l’ensemble de la production et de notre gouvernement est farouchement opposée à ce scénario, mais ce n’est pas le cas de tous les pays de l’UE.  Le « garde-fou », mis en œuvre par la loi Egalim, protège pour le moment notre marché, mais la tentation de certains circuits de distribution est grande pour reconquérir une clientèle qui a déserté les rayons boucherie. L’aspect psychologique d’un produit cher est un marqueur de la viande bovine, mais quand les achats se rabattent sur la viande hachée ce n’est pas toujours pour le prix, mais surtout par une modification profonde des habitudes alimentaires. Le steak haché est un marqueur générationnel.

Dans un contexte où depuis de nombreux mois, les abatteurs subissaient un marché déficitaire en réformes allaitantes, le recul de la demande tend à stabiliser les prix, notamment dans la viande de qualité bouchère. Les côtes de bœuf, faux-filets ou entrecôtes, restent dans les frigos. Les abattoirs adaptent leur activité à la demande. Les usines de transformation ont continué leurs productions de viande hachée avec des disponibilités plus équilibrées dans les réformes laitières sur le début du mois.

Ce retournement de tendance dans les réformes laitières et allaitantes d’entrée de gamme va-t-il perdurer, alors que les températures tendent à se réchauffer avec des conditions climatiques idéales pour le ramassage de l’herbe et pour les implantations des cultures de printemps ? Les éleveurs s’affairent dans les champs et ils seront moins disponibles pendant cette période pour vendre leurs animaux. Cela devrait engendrer un net recul de l’offre pour les semaines à venir.