A quel moment, le ciseau prix/consommation va-t-il influer de façon significative sur le marché ?
Des signes d’essoufflement sont ressentis, avec des abatteurs qui voient leurs stocks gonfler sur cette fin de mois, plombée par les manifestations, les grèves, et un pouvoir d’achat en berne.
Conjoncture – Malgré la tension sociale, l’inflation, et la baisse du pouvoir d’achat des Français, le niveau de la consommation globale de viande rouge résiste plutôt bien. Mais cette résistance laisse néanmoins apparaître de grosses disparités, en fonction des classes sociales et de la montée en puissance des importations. Les familles à bas revenu ont de plus en plus de mal à acheter de la viande et se contentent le plus souvent de steak haché d’entrée de gamme (malgré la progression des prix). La concurrence des viandes allemandes, hollandaises ou des autres pays de l’UE reste omniprésente notamment dans la RHD, mais elle fait également des incursions ponctuelles dans les GMS pour des actions promotionnelles.
Sur la France, le contexte reste marqué par une progression constante des prix, car ce sont les éleveurs et la concurrence entre les commerçants qui font monter la mayonnaise, face à des disponibilités qui s’étiolent de semaine en semaine et qui devraient perdurer sur le printemps avec la mise a l’herbe.
A quel moment, le ciseau prix/consommation va-t-il influer de façon significative sur le marché ? Des signes d’essoufflement sont ressentis, avec des abatteurs qui voient leurs stocks gonfler sur cette fin de mois, plombée par les manifestations, les grèves, et un pouvoir d’achat en berne. Les outils de transformation qui se sont adaptés à la fois aux volumes disponibles et aux modes de consommation sont en tension face à une offre ponctuellement plus étoffée.
La consommation ressemble de plus en plus au modèle anglo-saxon, avec une primauté des viandes transformées et un marché de pièces ciblées de qualité pour une population qui reste adepte du goût et de la convivialité.
Dans le monde de l’élevage, une grande mutation est en marche avec des citoyens de plus en plus sensibles à l’influence de l’homme sur son environnement. Le nouveau rapport du GIEC, qui va être largement débattu sur les ondes radio ou à la télé, pointe l’accélération du réchauffement climatique, avec toujours la réduction du nombre de bovins sur la terre comme solution. Mais si ce message trouve un écho en Europe avec une sensibilité de plus en plus écolo citoyenne, ce n’est pas le cas dans les grands pays producteurs de viande que sont l’Inde, les États-Unis ou les pays du Mercosur.
Le plus incroyable, c’est qu’alors que toute une filière se mobilise et fait des efforts pour répondre aux enjeux de demain, la Commission Européenne veut placer les traités commerciaux de libre-échange parmi ses dossiers prioritaires en 2023. Malgré la très forte résistance de la France, et pour accélérer la ratification, la Commission Européenne pourrait isoler la partie "commerce" de l’accord mixte pour passer outre l’aval des parlements nationaux des vingt-sept. Le Conseil de l’UE et le Parlement européen garantiraient alors à eux seuls la légitimité et l’inclusivité du processus d’adoption. Le danger est imminent, car l’Europe est un marché très lucratif pour la valorisation des aloyaux.
Les industriels français se concentrent sur les viandes d’entrée de gamme pour la fabrication de viande hachée, mais c’est le cas également chez nos voisins européens. La demande dans les pièces de qualité tend en revanche à fléchir face à la contraction du budget des ménages (notamment sur cette fin de mois). Cette tension n’est pas ressentie pour les concours d’animaux de boucherie qui se déroulent cette semaine. Les animations commerciales sont très correctes avec un recul de l’offre en accord à la demande. En revanche, ce sont les prix de ces animaux haut de gamme qui ne suivent pas, face aux très fortes plus-values qu’ont subies les éleveurs dans la phase d’engraissement. Les tarifs sont globalement au niveau de l’an dernier, face à des bouchers qui n’ont plus de marge de manœuvre.