Appel à la mobilisation !

L’accord de libre-échange entre l’Europe et les pays du Mercosur (Amérique du Sud) a été signé le 28 juin, et celui avec le CETA (Canada) serait imminent. Les éleveurs français sont très inquiets. Et il y a de quoi ! FNSEA + JA et les associations spécialisées appellent donc à la mobilisation devant les préfectures…car le Gouvernement français a encore les moyens de s’y opposer.

«À partir de mardi 2 juillet au soir, nous appelons l'ensemble de notre réseau à se mobiliser devant les préfectures et les sous-préfectures ». Au lendemain de la signature de l'accord de libre-échange entre l'Europe et les pays du Mercosur, la FNSEA et les JA et l'ensemble des associations spécialisées particulièrement concernés par le dossier appellent à la mobilisation générale. Objectif : dénoncer la dangerosité et l'absurdité de tels accords, et surtout obtenir du gouvernement français qu'il ne ratifie ni les accords du Mercosur, ni ceux du Ceta. En effet, l'accord ne peut être validé sans l'accord de la France. Il y a donc encore une fenêtre pour faire bouger les lignes... L'enjeu est énorme puisque si les accords sur le Mercosur et le Ceta devaient aller au bout c'est respectivement 99 000 tonnes et 65 000 tonnes de viandes supplémentaires « bourrées de substances interdites depuis des lustres dans l'UE » qui inonderaient le marché européen. « Nous sommes arrivés au comble de l'incohérence. Aucun agriculteur ne peut concevoir un seul instant que l'Europe accepte de laisser entrer sur son territoire des produits dont la fabrication est interdite chez nous. Comment avoir de telles exigence vis-à-vis des agriculteurs européens et français et strictement aucune vis-à-vis de ces pays-là », dénonce Patrick Bénézit, président de la FRSEA Massif central et secrétaire général adjoint de la FNSEA. Et d'estimer que « la question qui se pose d'abord à la Commission européenne, c'est d'interdire les produits non conformes qui entrent déjà sur le territoire européen ».

Sophie Chatenet

Point de vue

Bruno Dufayet, président de la FNB : Un «  suicide » vécu comme une déclaration de guerre 

L'information est passée quasiment inaperçue ce week-end dans une France suffoquant sous la canicule et déconfite par la défaite de ses Bleues. Pourtant, l'accord signé vendredi soir entre l'Union européenne et les quatre pays du Mercosur  (Argentine, Brésil, Uruguay et Paraguay) au terme de deux décennies de négociations, pourrait bien sceller à très court terme le déclin de tout un pan de l'agriculture tricolore et de son élevage en particulier. Après le Ceta (accord de libre-échange avec le Canada), en cours de ratification, c'est un coup potentiellement fatal à cet élevage bovin vertueux de type familial que vient de porter Bruxelles. Un « suicide » vécu comme une déclaration de guerre par la profession agricole qui depuis ne décolère pas, en appelant au président Macron et aux députés européens fraîchement élus pour rejeter cet accord.

L'annonce de cet accord a pris tout le monde de cours...

Bruno Dufayet, président de la Fédération nationale bovine : « Malheureusement, ce n'est pas une surprise pour nous. On a bien vu ces derniers temps une accélération de la procédure. Et nos pires craintes ont été confirmées avec ce quota de 99 000 tonnes accordées alors qu'officiellement, la négociation ne portait que sur 70 000 tonnes voire moins. » 

Concrètement, qu'est-ce qui a été acté ? 

B. D. : « La possibilité donnée aux pays du Mercosur d'exporter ces 99 000 tonnes de viande bovine sur le territoire européen à des droits de douane ultra réduits (7,5 %).  Si pour l'heure, on ne sait pas sur quels morceaux cela portera, une chose est sûre : ces pays d'Amérique du Sud vont d'abord aller chercher le marché des aloyaux, le plus rémunérateur. Ils vont ainsi venir nous concurrencer sur le segment des pièces à griller qui, pour toute l'UE, représente 400 000 t. »

Vous parlez de conséquences délétères pour l'élevage tricolore...

B. D. : « Nous avions demandé une étude d'impact de ces projets d'accord de libre-échange à l'Institut de l'élevage : leur cumul (en intégrant le Ceta) pourrait entraîner une baisse du prix payé aux éleveurs de près de 10 % sur le marché européen. Ce qui conduirait à la disparition de 30 000 élevages français - sur les 85 000 élevages de vaches allaitantes déjà fortement fragilisés et qui peinent à dégager un revenu - et de 50 000 emplois dans la filière. Ce que nous dénonçons fondamentalement, c'est une fois de plus l'incohérence politique la plus totale ! D'un côté, Bruxelles prétend conforter et accompagner le verdissement de l'agriculture au travers de la future Pac et dans le même temps, la Commission signe un accord de libre échange qui va permettre à des viandes d'importation, dont les conditions de production sont diamétralement opposées aux nôtres, d'entrer sur notre marché. »

Et spécifiquement pour les éleveurs du Cantal, davantage naisseurs ?

B. D. : « Aucun département ni marché ne sera épargné si cet accord s'applique. La baisse du prix du JB va se répercuter sur tout l'amont et déstabiliser l'ensemble du marché européen, y compris le marché italien et, par ricochet, le prix des broutards. C'est toute la filière française qui va prendre de plein fouet cette folie européenne de signer des accords de libre-échange les uns après les autres...  » 

Vous avez le sentiment d'avoir une nouvelle fois servi de monnaie d'échange dans ces tractations ? 

B. D. : « Clairement oui ! Nous ne cessons de réclamer l'exclusion de l'agriculture de ce type d'accords sans être entendus ! Visiblement Bruxelles a fait ses comptes et considéré qu'en sacrifiant son élevage bovin, l'UE s'y retrouverait économiquement... »

Moi ministre, lui Président, un tel accord ne se signera jamais, déclarait en substance Didier Guillaume, ministre français de l'Agriculture... La France semble bien esseulée.

B. D. : « Pour être applicable, l'accord avec le Mercosur doit être ratifié par les chefs d'État et le Parlement européen. On ne voit pas comment Emmanuel Macron, qui a porté les États généraux de l'alimentation et défend ardemment les accords de Paris sur le climat, pourrait signer un tel accord ! Devant le Sénat, Didier Guillaume a effectivement affirmé que ni le Président ni lui ne signerait un accord ne respectant pas nos standards environnementaux, sanitaires et alimentaires. Sachant que l'article 44 de la loi Egalim interdit toute commercialisation de produits non conformes aux normes européennes. Depuis le 16 mai, pas une virgule du texte n'a changé. On demande donc solennellement au chef de l'État d'être en cohérence avec sa politique et ses engagements. Et aux députés européens de porter la voix de l'agriculture française et de son élevage bovin viande. » 

Le gouvernement français a déjà fait valoir des garde-fous, sortes de garanties potentielles pour éviter une concurrence déloyale. Qu'en pensez-vous ?

B. D. : « C'est impossible ! L'accord a été signé : soit il est ratifié en l'état soit il est rejeté. Mais en aucun cas, on ne pourra garantir le respect des normes européennes sur ces viandes importation qui dérogent  à toutes nos réglementations : aucune identification individuelle des animaux donc aucune traçabilité,  bovins traités aux antibiotiques comme activateurs de croissance,... Quant au climat, aucune mention de la déforestation liée à cet élevage sud-américain. De toute façon, on ne pourra pas mettre de barrière ni de quelconque « ligne rouge » à ces produits sans que cela soit considéré comme une entrave au commerce international et au libre-échange. C'est une illusion et un mensonge. »

Propos recueillis par Patricia Olivieri

 

COMMUNIQUÉ DE PRESSE : La ligne rouge est franchie

L'Union européenne et les pays du MERCOSUR sont parvenus vendredi soir à un accord de libéralisation commerciale qui doit encore être ratifié de part et d'autre.

L'agriculture a, à l'évidence et une nouvelle fois, servi de monnaie d'échange et se voit sacrifiée par la Commission Européenne ! À l'identique de ce qui s'est passé pour les accords UE-CETA.

Ne nous y trompons pas, toutes nos productions sont concernées et ce sont des pans entiers de celles-ci qui seront demain abandonnés. Ces accords permettent de l'importation sur notre territoire de :

- 100 000 T de viande bovine

- 180 000 T de viande de volaille

- 25 000 T de viande de porcs

- 180 000 T de sucre

- 450 000 T d'éthanol pour l'usage industriel et 200 000 T pour tout autre usage

- 45 000 T de Miel

Ceci est inacceptable !

Quels mensonges auprès des consommateurs et des citoyens ! Quel marché de dupe pour les agriculteurs ! Comment peut-on promouvoir l'engagement dans la transition écologique en France, une sécurité sanitaire irréprochable et « en même temps » autoriser des importations de produits dont les méthodes de production sont interdites en France !

Nos producteurs bourbonnais et français produisent une alimentation de qualité, qui respecte des règles sanitaires et environnementales strictes pour protéger les consommateurs.

Les agriculteurs n'en peuvent plus ! C'est pourquoi, nous avons interpellé la députée de Vichy, dès hier, sur ce sujet afin de montrer notre mécontentement face au double discours de nos gouvernants et lui rappeler que les agriculteurs veulent encore exister.

Pour nous, FNSEA03 + JA03, une seule revendication ferme et unique ! NON aux accords de libre-échange destructeurs de notre agriculture ! N'importons pas l'agriculture que nous ne voulons pas !

FNSEA 03 - JA 03