Les députés préconisent une remise à plat des pratiques de la grande distribution

Renforcer les sanctions, encadrer strictement les pratiques : les députés ont préconisé dans un rapport une remise à plat du fonctionnement de la grande distribution, accusée de tirer "toute la chaîne des prix vers le bas".

La guerre des prix dans la distribution "fragilise le socle productif", est "économiquement destructrice de valeur", et n'est en définitive "pas toujours l'amie de consommateur", estime dans un rapport la commission d'enquête de l'Assemblée nationale sur les pratiques de la grande distribution dans ses relations commerciales avec ses fournisseurs. Après six mois d'auditions sur le sujet, le rapport des parlementaires est "complémentaire" à la loi dite Egalim, a déclaré le 25 septembre le député Grégory Besson-Moreau, rapporteur LREM de la commission d'enquête, lors d'une conférence de presse.

Le président de la commission Thierry Benoit (UDI) a particulièrement souligné la demande d'un "moratoire de deux ans sur les créations et les extensions de supermarchés en périphérie des villes". En 41 propositions, le rapport propose des "outils de transparence" pour "corriger des pratiques" et cesser la "guerre des prix destructrice pour tout le monde", selon le député. 

La loi Egalim "est basée sur la confiance entre les acteurs, or la confiance doit se gagner et de temps en temps on doit l'imposer entre la grande distribution et les industriels", a-t-il ajouté. Les députés se sont attachés dans un premier temps à construire les outils qui permettront de surveiller l'application de la loi promulguée il y a près d'un an, mais également de la compléter, en l'étendant aux marques de distributeurs, par exemple. 

En premier lieu, les sacro-saintes négociations commerciales annuelles entre la distribution et ses fournisseurs devraient être avancées à la période 15 septembre -15 décembre, au lieu de novembre-février, afin de se donner un peu de marge avant la date butoir réglementaire du mois de mars. De plus, les discussions seraient basées sur un index contractuel "publié et actualisé mensuellement par l'Insee", à l'image de celui qui existe depuis 1974 pour le secteur de la construction, et qui comprendrait outre l'indice de coût de production agricole prévu dans la loi Egalim, les coûts salariaux, de l'énergie et des politiques RSE. "Il faut que les prix puissent être réajustés facilement" a dit M. Besson -Moreau.

Mesures d'urgence

Pour assurer de meilleurs garde-fous, les députés veulent renforcer les moyens du médiateur des relations commerciales, mais également ceux de la Répression des fraudes (DGCCRF) en créant un groupe de travail spécialisé sur "la concurrence et les relations contractuelles". La commission d'enquête a dénoncé également "l'importance croissante" des centrales dites de "services" lancées par la distribution, "volontairement délocalisées à l'étranger" et qui constituent "autant de centres de profits, souvent sans contreparties évidentes pour les fournisseurs".

"C'est un problème majeur : 3 à 5 milliards d'euros sont échangés à Genève, Bruxelles et Zurich sans aucune transparence" a dit M. Besson-Moreau. Le rapport préconise donc de lever l'opacité sur le sujet. Le député Besson-Moreau estime que ces propositions représentent des "mesures d'urgences", qu'il veut mettre en place avant juin 2020 pour pouvoir être applicables lors des négociations commerciales de 2021. 

L'association des industries alimentaires (Ania) a salué le travail des députés tout en soulignant avoir "des réserves" sur certaines propositions. Cependant, celles-ci "ont le mérite de mettre chacun en face de ses responsabilités (...) et d'être fondées sur les principes de proportionnalité, de réciprocité et de sincérité par rapport à l'état d'esprit des états généraux de l'alimentation", a-t-elle ajouté. 

Le président de Coop de France, Dominique Chargé, a pour sa part salué la création d'un portail internet qui permettrait à la DGCCRF de recueillir les pratiques abusives et référencements et ainsi de "respecter l'anonymat des plaignants". Il se montre cependant plus prudent sur la création d'un index par l'Insee avec le risque de créer "un effet mécanique sur l'évolution des tarifs", qui pourrait réduire "le transformateur à un rôle de prestataire de services avec un seul donneur d'ordre que serait le distributeur". Coop de France a également accueilli "avec satisfaction" la création d'un fonds destiné à accompagner les agriculteurs dans leur conversion au bio ou sous signes officiels de qualité. "Nous souhaitons que ce fonds soit élargi à l'accompagnement plus global des transitions agroécologiques en réponse aux nouvelles attentes de la société" a indiqué Coop de France dans un communiqué. 

La fédération du commerce et de la distribution dénonce par contre "un rapport excessivement à charge, qui oublie les vrais sujets", notamment que "près d'un tiers des Français sont en difficulté à la fin de chaque mois".