Monsanto reconnu coupable dans le procès californien du Roundup

Un tribunal de San Francisco a condamné Monsanto à payer près de 290 millions de dollars de dommages et intérêts à un jardinier américain pour ne pas l’avoir informé de la dangerosité de l’herbicide. Bayer en défend l’innocuité et fait appel. Nicolas Hulot invite l’UE à suivre la voie de la France.

Après plus d'un mois de débats, un tribunal de San Francisco a condamné Monsanto, vendredi 10 août, à payer 289,2 millions de dollars de dommages et intérêts au jardiner américain Dewayne Johnson. Les jurés ont déterminé que Monsanto avait agi avec "malveillance" et que son herbicide Roundup, ainsi que sa version professionnelle RangerPro, avaient "considérablement" contribué à la maladie du plaignant, dans le cadre de son travail de jardinier, entre 2012 et 2014. Âgé de 46 ans, Dewayne Johnson a été diagnostiqué en 2014 d'un lymphome non hodgkinien, un cancer incurable du système lymphatique. Les médecins lui donnent moins de deux ans à vivre.

Appel de Bayer

Bayer, propriétaire de Monsanto depuis son rachat le 7 juin dernier pour 63 milliards de dollars, a aussitôt annoncé son intention de faire appel, affirmant que le glyphosate, principe actif du Roundup, est « sûr et non cancérogène » et qu'il n'est pas responsable de la maladie du plaignant. « Nous exprimons notre sympathie à M. Johnson et à sa famille », a déclaré le groupe allemand. « La décision d'aujourd'hui [vendredi 10 août NDLR] ne change pas le fait que 800 études scientifiques et les conclusions de l'agence américaine de la protection de l'environnement (EPA), des instituts nationaux pour la santé et des autres autorités de régulation à travers le monde soutiennent que le glyphosate ne cause pas de cancer et n'a pas causé le cancer de M. Johnson", a affirmé le groupe allemand.

Le procès de San Francisco est considéré comme historique dans le sens où il est le premier à concerner le caractère possiblement cancérigène du glyphosate, commercialisé par Monsanto à partir de 1974, tombé dans le domaine public en 2000. A raison de 800 000 t/an, le glyphosate est le pesticide le plus utilisé au monde.

Bayer a l'intention d'abandonner le marque Monsanto mais pas le glyphosate, en dépit de la jurisprudence que ce procès serait susceptible d'engendrer. Selon des médias américains, il existe des milliers de procédures en cours contre Monsanto aux États-Unis, à divers degrés d'avancement. « D'autres affaires peuvent être portées devant d'autres tribunaux et d'autres jurys, qui peuvent aboutir à des conclusions différentes », a fait savoir Bayer.

Réactions françaises

En France, le ministre de la Transition écologique a salué la décision du tribunal californien. « Nous avons pris une première décision en France mais ce ne doit être que le début d'une guerre que nous devons mener tous ensemble pour réduire massivement les molécules les plus dangereuses », a affirmé Nicolas Hulot à BFMTV. Le ministre se référait à un engagement du président Emmanuel Macron de bannir, d'ici à 2023 et en deux temps (voir encadré), l'usage du glyphosate en France. « J'aimerais bien que nos voisins européens, sans oublier nos amis outre-atlantiques, prennent des décisions aussi rapides et déterminées que nous le faisons en France », a plaidé le ministre. Qualifiant l'affaire Monsanto de « cas d'école du principe de précaution », il a rappelé qu'il ne s'agissait pas d'un combat contre les agriculteurs et les agricultrices mais pour eux.

Europe-Écologie-Les Verts a jugé que la condamnation de Monsanto était « historique ». « Les écologistes demandent solennellement au gouvernement de cesser de tergiverser sur le glyphosate et les pesticides qui détruisent notre santé et la biodiversité », a écrit EELV. « Plutôt que de gagner du temps pour les intérêts de quelques-uns, la France doit appliquer le principe de précaution sans tarder, et débloquer immédiatement les fonds nécessaires pour aider les agriculteurs à se passer de ces produits dangereux », a ajouté le parti.

La Confédération paysanne a réagi par la voix de son porte-parole. « Ce jugement, c'est une nouvelle fois la preuve que les pesticides sont dangereux pour la santé, des utilisateurs en premier lieu - et donc des paysans et des paysannes -, et puis par ricochet, aussi de ceux qui consomment les produits », a indiqué Laurent Pinatel. « Il faut absolument se donner les moyens de sortir des pesticides, de cette dépendance. Il faut pour cela des moyens techniques, avec la recherche, et puis des moyens économiques aussi, car les pesticides, c'est un outil de compétitivité dans la guerre économique ».