Phytos : vendre et conseiller, deux activités bientôt séparées

Il ne sera plus possible de conseiller et de vendre des produits phytosanitaires aux agriculteurs. Si le projet de loi sur l’agriculture est adopté, les acteurs économiques devront choisir entre ces deux activités. Objectif affiché par le Gouvernement : réduire l’utilisation de produits phytosanitaires en France.

La mesure est assez bien accueillie chez les agriculteurs. « On est plutôt séduit, explique Jérôme Volle, vice-président de la FNSEA. Peut-être qu'un certain nombre d'agriculteurs surutilise des intrants ». L'agriculteur émet cependant des réserves : « on est interrogatif sur son efficacité ». « Demain, l'agriculteur sera obligé de payer le conseil », ajoute-t-il, alors que le coût est aujourd'hui intégré dans le prix de vente des produits.

La Confédération paysanne et la Coordination rurale soutiennent sans réserve, pour leur part, la séparation du conseil et de la vente. « Nous sommes pour la séparation, à condition de laisser la possibilité aux producteurs de choisir ses organismes de conseil et d'achat », résume Véronique Le Floch, secrétaire générale de la Coordination rurale. Elle souhaite par ailleurs que toutes les informations liées à l'utilisation des produits phytosanitaires, ainsi que les mises à jour, soient disponibles librement sur Internet. Nous voulons du « conseil neutre et accessible », insiste-t-elle.

Le modèle économique des coop' ébranlé

Séparer le conseil et la vente de produits phytosanitaires risque d'ébranler le modèle économique des coopératives, en particulier celles qui sont implantées dans les zones céréalières. Au sein de Coop de France, on suit de près l'évolution du projet de loi. Coop de France partage la volonté du Gouvernement de s'orienter vers une « baisse drastique des phytos en matière d'utilisation », comme le souligne Pascal Viné, délégué général de Coop de France.

Dans le même temps, celui-ci estime que « les études d'impact ont été trop faibles » et soutient que le texte est « inapplicable » en l'état. « Les agriculteurs risquent de se retrouver face à des géants de fournitures de produits phytos, dont ils auront encore besoin, d'une manière ou d'une autre dans les années qui viennent », alerte-t-il, rappelant que le Gouvernement a « une vraie responsabilité » sur le sujet.

Qui doit conseiller ?

Pascal Viné voit une incohérence entre, d'une part, la volonté de maintenir le dispositif des CEPP*, et d'autre part, la séparation complète de la vente et du conseil. Les CEPP engagent en effet les vendeurs de produits phytosanitaires à réaliser des actions pour réduire l'utilisation de ces produits.

Ce dernier propose ainsi de distinguer le conseil « annuel » du conseil « au fil de l'eau ». Selon lui, le conseil annuel pourrait être réalisé par un organisme totalement indépendant. Les coopératives pourraient continuer, pour leur part, à prodiguer des conseils au quotidien, tout en vendant des produits phytosanitaires, en mettant en place une « séparation interne » des deux activités.

Le conseil, un secteur concurrentiel

Au contraire, Laurent Pinatel, porte-parole de la Confédération paysanne, souhaite que les rôles soient clairement définis. « Le rôle de la coopérative, c'est l'achat-revente », insiste-t-il. « Le risque, c'est que les coopératives montent des filiales pour continuer à faire du conseil. Le conseil doit être réalisé par les chambres d'agriculture ou un autre organisme technique indépendant », martèle-t-il.

Agriculteur en Mayenne, Pascal Aubry a déjà fait son choix. Depuis 2009, celui-ci fait appel à une société privée de conseil, qui l'aide, pour 600 euros par an, à planifier sa campagne phyto. « Avant, le technicien de la coop' passait faire la belle ordonnance pour l'année. Mais il n'y a aucune volonté des coopératives de faire baisser la consommation de produits phytosanitaires, surtout quand les techniciens sont payés à la commission. Depuis, j'ai diminué mon utilisation de produits phytosanitaires, j'arrive à 80 euros /ha pour les céréales. Ecophyto 2025, j'y suis déjà », déclare-t-il. Ainsi, si les chambres d'agriculture apparaissent comme un acteur légitime pour prodiguer du conseil technique, elles sont aussi parfois concurrencées par des sociétés privées.   

*Certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques