Se concentrer pour résister et … innover !

Agriculteurs, coopératives, négociants et fournisseurs, tous opèrent des regroupements pour être plus à même de répondre aux défis du XXIème siècle. Astères, cabinet d'études économiques et de conseil a présenté ce mercredi une analyse macro-économique de ces concentrations, à l'occasion d'un débat organisé par le think tank agriDées.

La concentration est partout et l'agriculture n'y échappe pas. On parle de concentration lorsque plusieurs entreprises fusionnent et donnent naissance à une nouvelle firme (fusion) ou lorsqu'une entreprise en rachète une autre (acquisition). Chaque année, le nombre d'exploitations agricoles diminue et leur taille augmente dans un souci de rentabilité face à la concurrence internationale, idem pour les coopératives et les négociants qui peuvent ainsi sécuriser leurs débouchés et assurer un meilleur service à leurs clients, et les fournisseurs afin de mutualiser les dépenses en matière de R&D. Selon Nicolas Bouzou, économiste et directeur fondateur du cabinet Asterès, « les acteurs se rachètent ou se rapprochent pour renforcer leur puissance d'innovation, dans un contexte technologique, règlementaire et sociétal de plus en plus exigeant. » Simplement, la concentration permet d'être plus à même de relever le défi de demain : produire plus et mieux avec moins, pour nourrir une population mondiale grandissante.

Innovation

Face à ces concentrations, certaines ONG craignent une perte de dynamique concurrentielle et un baisse des efforts en recherche et développement (R&D). D'après l'étude1 du Cabinet Asterès, c'est plutôt l'inverse, la concentration n'empêche pas l'innovation. « Pour preuve, les acteurs de l'agrochimie consacrent aujourd'hui en moyenne 10% de leur chiffre d'affaires à la R&D et les semenciers 13%. » Ces chiffres seraient « deux fois plus importants que pour l'industrie automobile ou agro-alimentaire, qui plafonnent à 4-5%. » De plus, l'arrivée de startups porteuses d'innovations pour le développement de l'agriculture digitale « limite toute prise de position hégémonique » sans oublier les autres acteurs que sont les organismes de recherche publique, les PME et les grands groupes internationaux. Selon l'étude Asterès « ces collaborations s'enrichissent de la diversité de chacun des acteurs et permettent ainsi de concilier de manière vertueuse les effets de la concentration des acteurs historiques et les bénéfices de l'ouverture à de nouveaux venus dans le secteur agricole. »

Contrôle des concentrations

Ces concentrations soulèvent parfois des questions de droit de la concurrence. Ce cadre juridique s'appuie principalement sur 3 outils pour protéger le consommateur : interdiction des ententes anti-concurrentielle, interdiction des abus de position dominante, et enfin, le contrôle des concentrations. Dans le monde, une centaine de pays sont dotés d'un contrôle des concentrations. Ces organismes ont pour but de protéger l'intérêt du consommateur. Pour cela, le contrôle des concentrations vérifie qu'il n'y a pas constitution ou renforcement d'une position dominante et interdit les effets unilatéraux. « Par exemple, une entreprise, compte tenu de sa part de marché, va être capable d'augmenter ses propres prix de façon profitable (sans perdre ses volumes) et provoque une augmentation générale de prix sur le marché » illustre Bastien Thomas, avocat associé, cabinet Racine et spécialiste du droit de la concurrence.

Récemment, l'acquisition qui a fait le plus couler d'encre est sans hésitation le rachat de Monsanto par Bayer, pour lequel la Commission vient de donner son feu vert. Pour cette concentration, Bayer doit obtenir l'autorisation de 30 contrôles de concertations. Aujourd'hui, avec la validation de la Commission européenne, l'entreprise en compte 29. Il ne manque plus que la validation des Etats-Unis pour valider officiellement le rachat de Monsanto par Bayer. Pour repère, depuis 1990, 28 opérations ont été interdites par la Commission européenne. En France, la dernière interdiction remonte à 2001.

1 L'étude Asterès a été réalisée avec le concours du think tank agriDées et le soutien financier de Bayer.