[Tech&Bio] Aides bio : l’État recentre ses crédits sur la conversion

En visite à Tech&Bio hier soir, le ministre de l’Agriculture a apporté des précisions concernant l’avenir des aides en faveur de l’agriculture biologique, suite au comité État-Régions qui s’est tenu en début de semaine.

« Nous sommes parvenus à un accord » se félicite Stéphane Travert, ministre de l'Agriculture, au sujet du comité État-Régions qui se déroulait en début de semaine. Il explique : « j'ai entendu que les régions voulaient continuer à avoir la main sur l'aide au maintien, qu'elles voulaient continuer à financer l'agriculture biologique et les projets sur les territoires. (...) Maintenant nous allons travailler ensemble ».

Cette rencontre entre l'État et les Régions était cruciale, puisqu'il était question d'évoquer l'avenir des aides pour l'agriculture biologique, qu'il s'agisse des aides à la conversion ou des aides au maintien. Le secteur connaît une croissance fulgurante. Or, les agriculteurs font face depuis des mois à des retards de paiement de leurs aides, sans compter une révision à la baisse des montants promis par les pouvoirs publics. À ce sujet, Stéphane Travert décline toute responsabilité : « les aides régionales ont diminué parce qu'il y a la libre administration des collectivités. Les régions sont autonomes dans les choix qu'elles veulent faire », rappelle-t-il. La mise en place de plafonds est donc avant tout la résultante d'un « choix politique » réalisé par les Régions, à ses yeux. 

L'État pour la conversion, les Régions pour le maintien

Le ministre de l'Agriculture a apporté des précisions concernant le rôle de l'État et des Régions sur les aides biologiques. « Concernant les crédits du ministère, nous allons dès 2018 recentrer les budgets disponibles sur le financement des nouveaux contrats d'aide à la conversion », tout en précisant que les aides au maintien attribuées entre 2015 et 2017 seront « financées jusqu'à leur terme ». « Les Régions pourront continuer de financer des aides au maintien sur de nouveaux contrats mais elles devront le faire en responsabilité et sans mobiliser des crédits du ministère », annonce-t-il.

« Bien sûr, nous aurions préféré que davantage de moyens soient alloués à l'agriculture biologique. Mais il faut mettre la priorité sur la conversion. L'aide au maintien, qui ne doit pas être oubliée, doit être assumée par les Régions. Il faut qu'elles trouvent des financements qui leur sont propres, notamment en travaillant avec les Agences de l'eau », commente Étienne Gangneron, le responsable de l'agriculture biologique au sein des Chambres d'agriculture (APCA).

Déception de la profession

Pour la Confédération paysanne, ces annonces gouvernementales sont une très mauvaise nouvelle. "La décision du ministre révèle un manque de réflexion profond sur l'avenir de l'agriculture biologique. Supprimer les aides au maintien bio pour ne plus soutenir que les conversions envoie un signal désastreux aux paysan-nes : l'Etat vous abandonnera dès votre conversion achevée, et débrouillez-vous seul pour faire face à la pression sur les prix", réagit-elle, dans un communiqué. 

La Fédération nationale d'agriculture biologique (FNAB) a elle aussi fait part de sa déception. Pour ce syndicat, l'annonce gouvernementale "fait suite au refus estival de transférer les montants nécessaires des aides de la politique agricole commune vers le développement de la bio". "Nous répétons depuis des mois qu'un transfert de 4,2% du pilier 1 vers le pilier 2 n'est pas suffisant pour conserver les aides au maintien et les aides à la conversion mais on ne nous écoute pas", regrette Stéphanie Pageot, présidente de la FNAB. 

Un fonds privé pour la Bio

Stéphane Travert a ensuite réitéré sa volonté de mettre en place un fonds privé pour la Bio, afin d'aider les filières émergentes. « Ce fonds devra être travaillé avec des acteurs de la distribution et de la transformation. Nous devrons veiller à la manière dont nous allons le monter et répartir les sommes », signale-t-il.

Auprès des acteurs de l'agriculture biologique, le ministre a rappelé les objectifs à l'horizon 2022 : « 50 % de nourriture bio, d'appellation d'origine ou écologique servie dans la restauration collective » et le passage des surfaces agricoles de 6 à 8 %.Tout en mettant en garde les acteurs de la filière sur le challenge qui les attend : « la massification du bio pourrait nous entraîner dans des difficultés, celles que connaissent aujourd'hui les filières conventionnelles ». La FNAB, pour sa part, estime qu'un objectif fixé à 8 % est "une ambition politique plus basse que la croissance du marché". Ce syndicat souhaite plutôt atteindre 20 % de surfaces agricoles bio en 2022. "C'est à n'y pus rien comprendre", ajoute Stéphanie Pageot. Toutes les conditions sont réunies pour faire de la bio un succès collectif français et c'est ce moment que choisit l'État pour se retirer alors que nous avons besoin d'un soutien public fort".