[Tech&Bio] Démocratisation de la Bio : à quel prix ?

Au cours du 1er semestre 2017, le nombre de producteurs a encore augmenté de 9,2 %. Désormais, la France compte 35 231 agriculteurs bio et 6,5% de la surface agricole est convertie en AB. Quel est l’impact de cette massification de l’offre sur le prix payé au producteur ? Les soutiens publics sont-ils à la hauteur du challenge de la démocratisation de la Bio ? Rencontre avec Florent Guhl, directeur de l’Agence Bio.

Les producteurs sont nombreux à espérer que les états généraux de l'alimentation débouchent sur une meilleure répartition de la valeur entre eux, les transformateurs et les distributeurs. Qu'en est-il en agriculture biologique ?  

Florent Guhl : D'abord il faut créer de la valeur. En bio, nous pouvons considérer que nous avons su répondre à cette problématique. Les consommateurs sont prêts à payer un peu plus pour des produits bio, parce qu'ils leur reconnaissent un certain nombre de qualités sur la santé, sur l'environnement, etc. Mais cela ne résout pas forcément la question de la répartition de la valeur. L'important, c'est d'aller vers d'avantage de contractualisation. Nous avons des exemples intéressants en bio, il faut les développer. Peut-être même est-il possible de s'en inspirer pour le reste de l'agriculture.

L'afflux de nouveaux producteurs en agriculture biologique peut-il aboutir à une crise de surproduction, notamment dans le secteur laitier ?  

F.G : C'est un sujet compliqué mais nous savons que ce risque est faible sur plusieurs années. En 2018, nous sommes inquiets, les uns et les autres, avec l'arrivée de 35 % de lait supplémentaire en bio en France. Il est possible que le prix payé au producteur baisse, c'est un risque. Ceci étant, vue l'accélération de la demande, nous sommes assez confiants. Si cela se produit, cela ne durera pas longtemps, car il faudra répondre, à nouveau, à une demande qui va partir en flèche. Il faut que nous arrivions à gérer ce risque par les méthodes habituelles : en produisant davantage de produits transformés en lait et peut-être en freinant un peu la production pendant un an.

Les soutiens publics sont-ils suffisants aujourd'hui en agriculture biologique ?  

F.G : La plupart des agriculteurs ne savent même pas comment vont être versées les aides des années 2014, 2015, 2016. Il est prioritaire de sortir de l'incertitude. Il faut qu'un agriculteur qui hésite à passer en bio sache comment cela va se passer pour lui économiquement. Il ne doit pas découvrir a posteriori qu'il va recevoir moins d'aides que prévu ou qu'il va les toucher plus tard... On peut miser sur le fait de développer des aides privées, un certain nombre d'organismes bancaires s'intéressent de plus en plus à la Bio, c'est très bien. Mais cela ne peut pas se faire au détriment des aides publiques, le marché n'est pas encore assez mature pour s'en passer. Nous avons besoin des deux.  

Stéphane Travert a annoncé vouloir faire appel à des fonds privés pour financer la bio. Est-ce une piste que vous avez déjà explorée ? Que peut-on en espérer ?

F.G : Il s'agissait plus d'une idée que d'une annonce. Dans le calendrier, elle correspondait à la publication d'une étude réalisée par l'UFC Que choisir sur les marges de la distribution. Il est vrai que, si les marges sont importantes, certains acteurs de l'aval peuvent contribuer au développement de la Bio. Cette idée n'est pas nouvelle en agriculture. La discussion va être ouverte entre le ministre de l'Agriculture et la grande distribution. L'Agence Bio y participera pour donner un éclairage technique et pour construire le dispositif, s'il est retenu.