Vente directe et coronavirus : entre effet d’aubaine et inquiétudes

Le confinement bouleverse les habitudes des consommateurs et forcent les producteurs à s'adapter. Mais le manque de visibilité pour les jours à venir et l'interdiction des marchés inquiète fortement celles et ceux qui dépendent de la vente directe.

« Les ventes de farine, c'est la folie ! », témoigne Jean-Marie Lenfant, qui fabrique et vend de la farine sur son exploitation à Couture-Boussey, dans l'Eure. Cette première semaine de confinement a largement bousculé les consommateurs dans leurs actes d'achat, en témoigne la ruée vers les rayons de pâtes et de papier toilette dans les supermarchés. Les magasins de producteurs ne font pas exception à ce changement soudain de comportement. Certaines boutiques voient affluer un public différent, que ce soit les citadins venus se mettre au vert le temps du confinement, ou les routiers pénalisés par la fermeture des restaurants.

« Avec la fermeture de la restauration hors-domicile, les gens mangent chez eux. Ils font des gâteaux, des crêpes... bref, ils redécouvrent la cuisine ! », constate Jean-Marie Lenfant. De quoi booster la vente directe aux consommateurs. « Espérons que les gens continueront d'acheter des produits locaux après la crise... », poursuit l'agriculteur. Car l'augmentation des ventes en direct ne permettra pas forcément de compenser la perte de débouchés que constitue la restauration collective.

« Il y a eu une vague d'acheteurs il y a quinze jours, mais là c'est plutôt calme, les clients se font plus rares », tempère Christophe Van Hoorne, agriculteur à Tréfols (Marne), qui produit des légumes, du fromage de chèvre et de la viande d'agneau. Il vend 90% de sa production en direct via les marchés, les Amap et un magasin à la ferme.

Depuis le début du confinement, il a décidé d'ouvrir sa boutique à la ferme « sept après-midi sur sept, au lieu de trois après-midis par semaine ». D'autant que malgré les efforts répétés du ministre de l'Agriculture pour maintenir l'ouverture des marchés, de nombreuses villes les ont déjà interdits. C'est le cas du marché de Marigny-en-Orxois (Aisne), sur lequel Christophe Van Hoorne devait se rendre pour vendre ses produits dimanche.

« Les collectivités arguent qu'elles n'ont pas les moyens d'organiser les marchés pour mettre en place des mesures sanitaires, explique-t-il. Mais nous, agriculteurs, pourrions très bien le faire, en utilisant de la rubalise, du gel hydro-alcoolique, etc. »

Pour beaucoup d'agriculteurs en vente directe, une interdiction totale des marchés serait dramatique. D'autant que les producteurs nagent en pleine incertitude : la vente à la ferme restera-t-elle autorisée dans les prochaines semaines si les mesures de confinements se durcissent ? « On n'a aucune visibilité », déplore Christophe Van Hoorne. « Le seul moyen qu'il nous restera, c'est la livraison à domicile, pour autant qu'elle reste autorisée. On commence déjà à en faire. Et qui sait, peut-être que cela nous fera découvrir de nouvelles pratiques et que l'on s'y mettra après la crise ! » Inquiet, certes, mais pas abattu !