ZNT : à vos étiquettes, cartes, plans... traitez !

Le projet d’arrêté destiné à remplacer celui du 4 mai 2017 va introduire, à compter du 1er janvier 2020, des Zones de non traitement (ZNT) à proximité des habitations, incompressibles à 10 mètres pour certains produits, mais réductibles à 5 ou 3 mètres selon les cultures, moyennant des dispositifs anti-dérive. Décryptage.

Pour réaliser un chantier de pulvérisation, il fallait jusqu'ici être attentif aux étiquettes des produits pour identifier des restrictions d'usage liées aux différentes catégories de Zones non traitées et autres Dispositifs végétaux permanents (DVP). Il fallait par ailleurs jeter un œil aux cartes IGN au 25.000ème, sinon au site internet Géoportail pour identifier les points d'eau et appliquer les ZNT (Zones non traitées) afférentes, non sans avoir consulté la liste officielle des dispositifs permettant de lutter contre la dérive pour pouvoir les réduire, le cas échéant, de 50 m à 5 m ou de 20 m à 5 m. A partir du 1er janvier 2020, date d'entrée en application du nouvel arrêté régissant l'emploi des produits phyto, ce sont les plans du cadastre qu'il va falloir consulter, pour identifier la présence d'habitations autour de son parcellaire et respecter les futures ZNT qui leur seront attachées.

Annulation de l'arrêté du 4 mai 2017

L'instauration de ces futures ZNT « riverains » ou « habitations » a pour origine la loi du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et commercial (EGAlim) et plus précisément son article 83. Elle subordonne, à partir du 1er janvier 2020, l'utilisation des produits phytopharmaceutiques à proximité des zones d'habitation à des mesures de protection des personnes habitant ces lieux. L'arrêté du 4 mai 2017, relatif à la mise sur le marché et à l'utilisation des produits phytopharmaceutiques et de leurs adjuvants, n'y a pas résisté.

Le 26 juin dernier, suite à la requête de plusieurs associations, le Conseil d'Etat a annulé l'arrêté, pour plusieurs motifs, et en premier lieu car il ne prévoyait « aucune mesure générale destinée à protéger les riverains des zones agricoles traitées, les mesures de protection existantes ne portant que sur certains lieux fréquentés par des personnes vulnérables, tels les aires de jeu destinées aux enfants en bas âge, les établissements de santé, les maisons de retraite et les espaces de loisirs ouverts au public ».

Inspiré des arrêtés « lieux publics sensibles »

Le 9 septembre dernier, le gouvernement a lancé une consultation publique sur la base d'un projet de décret s'agissant des chartes départementales et d'un projet d'arrêté s'agissant des ZNT. Le projet d'arrêté (voir pièce jointe) introduit des ZNT applicables aux habitations alors que les ZNT ne concernaient jusque-là que les points d'eau, les zones adjacentes en fleurs ou encore les zones adjacentes non cultivées. Il est a priori en phase avec l'esprit de la loi EGAlim et peut-être plus encore avec la loi d'Avenir pour l'agriculture, l'alimentation et de la forêt du 13 octobre 2014. Celle-ci a introduit en effet introduit la possibilité d'appliquer des mesures de protection renforcées afin de protéger les lieux accueillant des personnes vulnérables contre les dérives de produits phytosanitaires. Depuis, des arrêtés préfectoraux « lieux publics sensibles », ont été pris dans ce sens dans de nombreux départements, spécifiant les cultures concernées, les distances de sécurité (et les moyens tels que haies et systèmes anti-dérive permettant de les réduire voire de les annuler), les horaires pendant lesquels les applications sont proscrites.

Le futur arrêté s'inspire des arrêtés « lieux publics sensibles » mais ne fait pas mention d'astreintes horaires. Les chartes d'engagement, qui vont elles aussi se mettre en place le 1er janvier prochain à l'échelon départemental, pourront aborder la question horaire du point de vue des informations délivrées aux riverains mais sans restrictions spécifiques concernant les applications.

Entre 3 et 10 mètres

S'agissant des distances de sécurité, le projet d'arrêté suit à la lettre les recommandations de l'Anses, l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail, émise dans un avis le 14 juin dernier. Le projet d'arrêté fixe ainsi les distances de sécurité à 5 m pour les grandes cultures, le maraichage et autres cultures basses et à 10 m pour le traitement des parties aériennes pour l'arboriculture, la viticulture, les arbres et arbustes, les bananiers, le houblon, la forêt, les petits fruits et cultures ornementales de plus de 50 cm de hauteur. Ces distances pourront être réduites à 3 m moyennant l'adoption de buses anti-dérive en grandes cultures, à 5 m en face par face et à 3 m en présence de panneaux récupérateurs en vigne et enfin à 5 m en arboriculture avec un système de pulvérisation tangentielle.

A l'inverse des ZNT points d'eau, qui doivent être enherbées, les ZNT habitations resteraient cultivables mais exemptes de protection phytosanitaire, hors biocontrôle.

10 m incompressibles pour certains produits

Dans l'état actuel du projet d'arrêté, les produits de biocontrôle ainsi que ceux composés uniquement de substances de base ou de substances à faible risque seraient exemptés de ZNT « riverains ». Pas de régime de faveur en revanche pour les produits compatibles avec le cahier des charges bio. ZNT points d'eau ou ZNT riverains : seules les mentions portées par l'AMM font et feront foi.

Par contre, la distance de sécurité sera fixée à 10 m, de manière incompressible, pour les substances actives considérées comme des perturbateurs endocriniens ainsi que pour les produits portant les mentions de danger suivantes : H300, H304, H310, H330, H331, H334, H340, H350, H350i, H360, H360F, H360D, H360FD, H360Fd H360Df, H370, H372. Parmi ces mentions de danger figurent des produits classés CMR (cancérogènes, mutagènes, reprotoxiques), mais ni exclusivement, ni systématiquement.

A quand une application mobile synthétisant le tout et dictant une feuille de route à la parcelle, mais pas pour autant parcellaire ?