Tech & Bio, un salon super intensif

Sous l’égide des Chambres d’agriculture, l’agriculture bio a rendez-vous à Valence (Drôme) les 18 et 19 septembre 2019 pour la 7ème édition de Tech & Bio. Son exhaustivité, sa transversalité et sa multi-disciplinarité en font un salon super intensif. La préfiguration d’un horizon 100% bio d’ici à 2050 ?

Gare : si vous êtes un tantinet diversifié, avec une mixité cultures / élevage doublée d'une pluralité d'espèces végétales / animales, multifonctionnalité oblige, deux jours ne seront pas de trop pour glaner les derniers acquis technico-économiques dispensés par plus de 150 experts, via 120 conférences et ateliers et 100 démonstrations, sans compter les solutions mises en avant par plus de 350 exposants.

Exhaustivité (toutes productions végétales et animales), transversalité (réglementation, installation, conversion, commercialisation), multidisciplinarité (sol, eau, énergie) : Tech & Bio fait dans le super intensif. On serait tenté d'ajouter l'universalité, si l'on se réfère à certaines études scientifiques, qui accréditent la thèse que la généralisation de la bio serait en capacité de nourrir l'Humanité à l'horizon 2050.

Pourquoi 2050 ? Parce que la population devrait alors atteindre les 10 milliards d'individus. 2050, c'est aussi l'horizon que s'est fixée la France pour atteindre la neutralité carbone, ce qui n'est pas sans incidence sur les systèmes agricoles et la balance émissions / séquestration, l'agriculture générant 17,8% des gaz à effet de serre dans notre pays, 20% si l'on tient compte des émissions liées à la consommation d'énergie, selon l'Inra.

Études internationales

En 2014, une méta-étude américaine (une compilation 115 études de 38 pays, portant sur 52 espèces végétales et couvrant 35 années), publiée dans Proceedings of the Royal Society, concluait que le différentiel de rendement entre agriculture conventionnelle et biologique n'était que de 20%, et qu'il pouvait être ramené à moins de 10% moyennant l'adoption de cultures associées et de rotations longues.

En 2017, une étude réalisée par le FIBL, l'Institut de recherche de l'agriculture biologique (Suisse), parue dans la revue Nature Communications, élaborait un scénario de conversion à l'agriculture biologique au plan mondial à l'horizon 2050 Celui-ci se traduirait par la mise en culture supplémentaire de 16% à 33% de terres, comparativement à la période 2005-2009, ce qui passerait par une déforestation comprise entre 8% et 15%. Le gain en terme de bilan carbone serait compris entre 3% et 7%, comparativement au scénario de référence de la FAO, qui fait quant à lui état d'un accroissement des terres cultivables de 6% pour voir nourrir 10 milliards d'humains en 2050, sur la base du modèle conventionnel actuel, représentatif de 99% de l'agriculture mondiale, contre 1% pour le bio.

En 2019, le Cirad, associé à la Banque mondiale, au Programme des nations unies pour l'environnement (PNUE), au Programme des nations unies pour développement (PNUD) et à l'Inra, n'ont pas démenti, dans leur rapport intitulé  « Créer un avenir alimentaire durable » la possibilité de nourrir la planète à ce même horizon 2050 tout en réduisant les impacts environnementaux.

L'autosuffisance avec 50% de bio en France

Pour ce qui est de la France, en 2016, l'association Solagro publiait avec Afterres une étude prospective sur la transition agricole, alimentaire et énergétique en France, à l'horizon 2050. Conclusion : une agriculture française bio à 50% (pourrait nourrir 72 millions de français en 2050, à surfaces arables égales, en divisant par trois l'usage des pesticides et par deux les émissions de gaz à de serre, la consommation d'énergie et la consommation d'eau en été, les autres 50% respectant les principes de l'agroécologie. Moyennant deux conditions : mettre fin au gaspillage à parts égales entre les trois maillons (production, distribution, consommation), équivalant à un tiers de la production totale de denrées alimentaires, et inverser le ratio actuel (deux tiers / un tiers) entre protéines animales et végétales dans notre régime alimentaire. Plus récemment, l'Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri), rattaché à l'Institut d'études politiques de Paris, a estimé crédible une transition agroécologoqique à l'horizon 2050, s'affranchissant des engrais et pesticides de synthèse.

Pour rappel, en France, le Plan Ambition Bio vise 15% de SAU en bio en 2022. En 2018, la SAU bio a progressé de 17% pour atteindre 2 millions d'ha, soit 7,5% de la SAU.

Quel modèle économique ?

Ces différentes études se veulent donc rassurantes quant à la possibilité d'une transition bio et agroécologique, respectueuse de l'environnement au sens large (pollutions, climat, ressources, biodiversité...). Accroître la production sera nécessaire pour potentiellement nourrir la population mondiale, mais pas suffisant. Encore faudra-t-il faciliter l'accès des populations à la nourriture, une des causes majeures de la faim dans le monde, qui touche en 2019 une personne sur neuf selon l'ONU, un phénomène résurgent depuis quelques années après plusieurs décennies de progrès.

Au plan agronomique, le développement de l'agriculture bio devra résoudre l'équation de la fertilisation, dont les sources et l'assimilabilité par les systèmes agroécologiques (semis direct, semis sous couvert) peuvent apparaître limitantes, malgré le développement des légumineuses fixatrices d'azote.

Autre point commun aux études précitées et non des moindres : l'absence de projection économique inhérente à cette trajectoire bio. A quel prix pour les agriculteurs ? A quel prix pour les consommateurs ? Avec quelles politiques publiques ? Avec quel impact sur l'emploi en agriculture et dans l'agroalimentaire ? Avec quels filets de sécurité ? Autant de questions sans réponse à cette heure.