Benjamin Meilhoc : “Je suis ambitieux pour l’AOP cantal !”

À même pas 30 ans, Benjamin Meilhoc est le nouveau président du Cif, un président “sans a priori”, mais bien décidé à faire progresser l’AOP cantal dans le cadre d’une filière unie.

Benjamin Meilhoc le reconnaît volontiers : sur un terrain de rugby, c’est son tempérament et sa détermination qui faisaient la différence. Une détermination que ce passionné de ballon ovale, qui a évolué durant 17 années à Pleaux puis au RC Mauriac au poste de trois-quarts, compte bien mettre au service d’une nouvelle cause collective : l’essor de l’AOP cantal. À seulement 29 ans, le producteur de lait d’Ally, installé avec son père Pierre, vient en effet d’être élu président du Comité interprofessionnel des fromages (Cif) - l’organisme de défense et gestion des appellations cantal et salers - à la suite de Jacques Chalier.  Un sacré défi alors que l’AOP cantal fait partie des victimes collatérales de la crise sanitaire avec un recul de ses ventes de 11 % sur l’année 2020.
Pas de quoi entamer l’ambition que porte Benjamin Meilhoc pour ce fromage éponyme du département qu’il considère comme le moteur de la filière laitière du Cantal. Entretien.

En tant que jeune producteur installé près de dix ans après la signature de son nouveau décret, quel regard portez-vous sur l’appellation cantal ?
Benjamin Meilhoc
 : “Aujourd’hui, c’est une fierté de produire de l’AOP cantal. Ce fromage, dont l’appellation existe depuis 1956, représente l’authenticité, ça fait partie de notre identité, de notre patrimoine, de la “génétique” du Cantal. Quand les gens à l’extérieur parlent du Cantal, il font souvent référence au fromage. L’AOP est le moteur de la production laitière cantalienne. Si l’AOP va bien, le lait conventionnel va aussi bien se porter. C’est un curseur qui tire vers le haut et c’est ce qui permettra de maintenir la production laitière demain dans le Cantal.”

Comment jugez-vous sa trajectoire récente ? Certains, pas forcément dans le monde agricole d’ailleurs, continuent de montrer en exemple les AOP de l’Est (comté, beaufort...).
B. M.
 : “Il ne faut pas vouloir copier ces appellations : on n’est pas sur le même terroir, chaque appellation a sa propre identité, sa propre histoire. Aujourd’hui l’AOP cantal doit continuer à tracer son propre chemin, de façon indépendante.
Ce qui est sûr, c’est que notre AOP a progressé, bien qu’il reste encore des marges de manœuvre. Le premier critère à mettre en avant, c’est la qualité du produit. Si on va chercher la qualité, il y aura de la commercialisation à la clé et derrière, de la valorisation. La filière, ça doit être un engrenage vertueux, qui commence par la qualité. Là-dessus, il y a encore du travail à mener, on y est en plein dedans. Les entreprises font actuellement des efforts importants de formation, échangent, arrivent à se mettre autour de la table pour essayer de trouver ensemble des solutions et progresser en qualité.”

Quid du prix payé au producteur. Est-il à vos yeux suffisant ? En bonne voie ?
B. M.
 : “Quand le nouveau décret est sorti, pas grand-monde croyait à un prix du lait AOP déconnecté ; aujourd’hui, on y est, c’est un signe positif. Mais je pense qu’on peut
- et on doit - aller chercher plus ; pour ça, il suffit qu’il y ait une harmonie au sein de l’interpro.”

La fermeture de la restauration hors foyer, des marchés, a durement impacté la filière AOP. Quelle est aujourd’hui la stratégie pour inverser la tendance des ventes ?
B. M. 
: “Nous avons espoir que les volumes repartent à la hausse, parallèlement au taux de transformation dans les ateliers de fabrication. Le cantal est un fromage qui doit rester populaire et on ne peut se permettre d’approcher le seuil des 10 000 tonnes par an. La place du cantal devrait être  à
15 000 t/an.”

Vous êtes élu au titre du collège producteurs(1) sur la base d’une feuille de route pour les deux ans à venir, quelle est-elle ?
B. M.
 : “Aller chercher la qualité et du prix, c’est le cœur du projet. Nous souhaitons également avancer sur la gestion des volumes au travers de RRO, des règles de régulation de l’offre, dont le mécanisme reste à définir au sein du collège transformateurs. On veut aussi faire une promesse au consommateur : celle d’un produit lisible, via l’évolution de la gamme et une communication autour des mois d’affinage et non plus du jeune, entre-deux et vieux.”

Vous parlez de communication ; des opérations sont-elles d’ores et déjà programmées pour les prochains mois ?
B. M.
 : “Nous allons bien évidemment continuer à faire la promotion de notre AOP pour que les consommateurs ne l’oublient pas. Mais en l’état actuel, il n’y aura pas de grandes campagnes de pub du style “Moscato”.”

Malgré ce contexte défavorable, êtes-vous confiant pour l’appellation cantal ?
B. M. 
: “Si je me suis engagé, c’est que j’y crois ! Je suis ambitieux pour l’AOP et j’ai une entière confiance dans mon conseil d’administration pour y arriver. Le Cif est aujourd’hui en ordre de marche, tout le monde est au travail, l’équipe technique, les élus. Je suis déterminé à faire avancer l’appellation, je vois de grands jours pour l’AOP cantal et je vais m’y consacrer pendant mon mandat à 200 % ! Le but, c’est que les producteurs de lait AOP puissent vivre de leur métier.”

Que répondez-vous à ceux qui pourraient arguer de votre inexpérience ?
B. M.
 : “Je fais clairement partie de cette nouvelle génération motivée pour écrire le futur de l’AOP. On ne refera pas le passé. Ma volonté est de rassembler : on a autant besoin de l’expérience au sein de l’interpro que de la jeunesse. Et mon passage aux Jeunes agriculteurs m’a aussi permis d’acquérir de l’expérience.”

(1) Les représentants du collège producteurs sont désignés par la FDSEA (avec un membre JA invité). “Mais le Cif reste une entité indépendante, dont les décisions doivent être prises à l’unanimité des deux collèges”, souligne son nouveau président.