Carbone : l’exception agricole

[Edito] Dans la lutte contre le réchauffement climatique et la baisse des gaz à effet de serre, le gouvernement demande moins d’efforts au secteur de l’agriculture qu’aux autres secteurs d’activité. Une exception qui est liée à la nature-même des émissions agricoles, majoritairement issues de processus biologiques.

La feuille de route de la France pour diminuer ses émissions de gaz à effet de serre a fixé, pour le secteur de l’agriculture, un objectif de réduction de 46% d’ici 2050. C’est très inférieur à ceux des autres secteurs d’activité : le bâtiment, le transport et l’énergie ayant l’objectif de neutralité carbone totale en 2050. Pourquoi cette exception ? Car la nature-même des émissions agricoles rend plus difficile leur diminution comparativement à d’autres secteurs d’activité. En effet, contrairement aux autres secteurs, les émissions de gaz à effet de serre en agriculture n’ont pas pour principale origine l’énergie. Elles sont surtout liées au cycle du carbone et de l’azote et à l’activité de bactéries. Les émissions de méthane sont liées à la rumination et à la dégradation des fumiers et lisiers. Le protoxyde d’azote quant à lui est majoritairement émis lors des fertilisations minérales et organiques des cultures ou prairies, mais également via les effluents au niveau des bâtiments et du stockage.

L'élevage, principale source d'émissions

L’élevage est régulièrement pointé du doigt comme un secteur important d’émissions de gaz à effet de serre. La consommation de viande est appelée à être réduite, voire, aux dires de certains, complètement stoppée. Le cheptel est appelé à diminuer encore plus vite qu’il ne le fait déjà. Qu’en est-il réellement ? Selon l’étude MyCO₂, réalisée par Carbone 4 en 2022, l’alimentation représente 24% des émissions totales de gaz à effet de serre de la consommation française. De son côté, l’alimentation à base de produits animaux représente 13% de notre empreinte carbone, dont 4% sont liés aux produits laitiers et œufs et 9% sont liés à la viande.

Lorsque l’on regarde les différentes filières d’élevage, on constate que les trois quarts des émissions sont liées à la viande bovine et ovine. De quoi faire de ces filières les coupables idéales ! La rumination est la cause principale de ces émissions. Les autres sources de gaz à effet de serre se répartissent entre les achats d’aliments et d’engrais, de fioul et électricité, les émissions de protoxyde d’azote liées au pâturage et de méthane liées aux effluents. Il en va tout autrement pour les autres filières d’élevage. Pour les porcs, la quasi-intégralité des émissions de gaz à effet de serre provient des achats d’aliments et des effluents d’élevage. Chez les volailles, plus des deux tiers des émissions sont liées à l’achat des aliments, le solde se répartissant entre la consommation d’énergie, les effluents et les achats d’autres intrants.

Les solutions de réduction de l’empreinte carbone dans les élevages sont donc propres à chaque filière, et peuvent être mises en place à l’échelle de chaque ferme, sans pour autant agiter le chiffon rouge de la baisse du cheptel, qui ne fera qu’amplifier la hausse des importations.