Colère des agriculteurs: Bruxelles veut surmonter "la polarisation"

La présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen a lancé jeudi un "dialogue stratégique" avec le secteur agricole pour tenter de surmonter la polarisation, notamment sur les législations environnementales, sur fond de manifestations à travers l'Europe.

Près d'une trentaine de représentants des organisations agricoles, du secteur agro-alimentaire, d'ONG environnementales et d'experts sont réunis à Bruxelles pour évoquer les perspectives à moyen et long terme.

Promis depuis septembre, ce rendez-vous intervient alors que, entre blocages d'autoroutes et défilés de tracteurs, la grogne agricole touche la France, l'Allemagne, la Roumanie ou la Pologne, visant notamment les normes écologiques et les importations jugées déloyales dans l'UE.

Des conclusions sont attendues d'ici la fin de l'été, afin de préparer le terrain pour la prochaine Commission et l'élaboration de la prochaine Politique agricole commune (PAC) commençant en 2028.

L'objectif n'est pas de se prononcer sur le détail des normes et réglementations, mais de fixer un cadre pour les politiques agricoles et environnementales à "horizon 5 à 15 ans", a précisé l'universitaire allemand Peter Strohschneider, qui préside ces échanges à huis clos après avoir déjà dirigé en Allemagne une commission similaire.

"Notre logique est (de chercher) un équilibre raisonnable entre des intérêts économiques, écologiques et sociaux divergents", a-t-il insisté, appelant "à ne pas se focaliser sur les points de crispation souvent idéologiquement exagérés".

Sentiment d'urgence  

"Il existe une polarisation croissante sur les sujets liés à l'agriculture. Je suis profondément convaincue que nous ne pouvons la surmonter que par le dialogue", a souligné Mme von der Leyen avant la rencontre. "Nous partageons le même sentiment d'urgence que les choses doivent s'améliorer, qu'il faut trouver une nouvelle voie à suivre, des solutions communes et durables".

La présidente de l'exécutif européen s'est montrée soucieuse d'offrir des gages aux agriculteurs:  "Vous êtes souvent la partie la plus vulnérable de la chaîne de valeur, vous méritez une rémunération équitable. Notre objectif est de soutenir vos moyens de subsistance et de garantir la sécurité alimentaire européenne", a-t-elle assuré

Si les récentes manifestations évoquent des éléments déclencheurs nationaux divers, elles pointent des facteurs communs de mécontentement : épisodes climatiques extrêmes, grippe aviaire, flambée des prix du carburant, afflux de produits ukrainiens exemptés de droits de douane...

La nouvelle PAC, qui renforce depuis 2023 les obligations environnementales, et les législations du "Pacte vert" européen (ou "Green Deal")- même si elles ne sont pas encore en vigueur - cristallisent la colère.

"Les objectifs collectifs du +Green Deal+ sont existentiels, nous vivons tous de la nature. Même si nous ne sommes pas toujours alignés sur ces questions, nous sommes d'accord sur l'intensification des défis, qu'il s'agisse de concurrence étrangère, de sur-réglementation au niveau national, du changement climatique ou de perte de biodiversité", a résumé Mme von der Leyen.

Parmi les thèmes proposés aux intervenants jeudi : les revenus des agriculteurs, la durabilité de leurs pratique, l'innovation technologique et la compétitivité.

Plusieurs ONG avaient regretté l'invitation tardive, confirmée seulement la semaine dernière, tandis que le Copa-Cogeca, qui réunit les syndicats agricoles majoritaires européens, a déploré "la portée particulièrement floue" des discussions face aux problèmes immédiats du secteur.