Colza : combattre insectes, adventices et érosion avec du trèfle sous couvert dans le Sud-Ouest

Dans le Sud-Ouest, la coopérative Gersycop a adapté la technique des plantes compagnes pour pallier l’absence de gel hivernal. Les couverts de trèfles ajutent à la lutte contre les insectes et contre le salissement un atout contre l'érosion.

La pratique des plantes compagnes n’a pas réussi à prendre partout, du moins dans un premier temps. Dans le Gers, par exemple, la douceur hivernale a d’abord détourné les agriculteurs de cette solution. « La pratique préconisée était d’implanter des couverts gélifs détruits pendant l’hiver ou, dans le pire des cas, faire un traitement pour les détruire en sortie d’hiver, rappelle Laetitia Laffont, du pôle agronomie de la coopérative Gersycoop. Ici, nous avons rarement de vraies séquences de gel hivernal et l’on se retrouvait souvent avec des féveroles non détruites ou des vesces qui venaient gêner le colza, qu’il fallait traiter avec un herbicide. »

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Son collègue Serge Letellier a cherché à adapter la méthode : travailler avec des plantes non gélives et, surtout, moins gênantes. « L’idée était de garder ces plantes sous le colza de manière à avoir un couvert déjà en place à la récolte, précise la technicienne. Il fallait trouver un compromis entre des plantes qui arrivent à couvrir suffisamment le sol pour limiter les adventices, sans trop se développer pour ne pas concurrencer le colza. » Après un gros travail de criblage et d’essais, le trèfle violet est sorti du lot. « C’est une plante qui s’implante assez facilement sous nos conditions, capable de résister au sec et à l’ombrage important du colza, explique Laetitia Laffont. À la récolte, on a un joli tapis vert qui va pouvoir tenir le chaume propre. Le trèfle assure la fonction de couvert avec tous les bénéfices que l’on peut en tirer pour la culture suivante. C’est aussi un bon levier dans la lutte contre l’érosion, un gros enjeu sur notre secteur. »

Association gagnante entre lentille et trèfles

Pour pallier le démarrage un peu lent du trèfle violet, les experts de Gersycoop recommandent de l’associer à la lentille. Un mélange qui fonctionne bien est d’ailleurs commercialisé par Caussade Semences. « La lentille démarre très vite et occupe vite l’espace. En revanche, on ne la retrouve quasiment pas à la sortie car elle ne supporte pas l’ombrage. Le trèfle prend donc le relais derrière. » Le trèfle violet semble par ailleurs dopé au démarrage lorsqu’il est mélangé à plusieurs autres trèfles, par exemple le trèfle blanc et le trèfle souterrain. Ce ménage à trois est donc une autre solution préconisée par la coopérative. En revanche, les spécialistes appellent à la prudence avec la féverole, susceptible de favoriser l’élongation du colza si elle est semée trop dense.

La vesce commune n’a pas non plus les faveurs de Gersycoop. « Dans notre secteur, faute de gel suffisant, on est quasiment sûr de la retrouver par-dessus le colza à la moisson, ce qui peut fortement compliquer la récolte, avertit Laetitia Laffont. Ce serait différent si les températures descendaient souvent à -7 °C. Il existe en revanche une vesce érigée, qui ne grimpe pas, et qui est très intéressante pour la couverture des sols. Elle est à l’essai actuellement. »

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« Avec les plantes compagnes, on gagne au moins trois ou quatre jours par rapport à un colza seul si une intervention est nécessaire contre les altises », explique Benoît Serin, agriculteur dans le Gers. © B. Serin

« Avec les plantes compagnes, on gagne au moins trois ou quatre jours par rapport à un colza seul si une intervention est nécessaire contre les altises », explique Benoît Serin, agriculteur dans le Gers.

AVIS D’AGRICULTEUR - Benoît Serin, 65 ha à Saint-Arailles, Gers

« Je n’ai pas fait d’insecticide sur altises depuis deux ans »

« Je sème comme plantes compagnes un mélange de trèfle blanc, trèfle souterrain et trèfle violet, associé à de la lentille. La lentille va bien couvrir le sol et laisser le temps au trèfle de s’implanter. L’objectif est qu’elle sorte en même temps que le colza pour réduire l’impact des insectes. Il faut continuer à bien surveiller ses parcelles, mais cela fait deux ans que je ne fais plus d’insecticide sur altises, à l’exception d’une parcelle. Avec les plantes compagnes, on gagne au moins trois ou quatre jours par rapport à un colza seul si une intervention est nécessaire contre les altises. Pour le désherbage, c’est plus compliqué. Si la parcelle se salit beaucoup, on peut laisser passer la période de sensibilité aux altises jusqu’à 5-6 feuilles. Après, on fait un désherbage en plein en détruisant les plantes compagnes. Elles auront quand même fait le travail contre les altises. Concernant le désherbage, le principal effet positif est l’action du trèfle qui repart derrière le colza, car cela maintient une parcelle propre sans problème pendant l’interculture. D’un point de vue purement comptable, on ne rentabilise pas chaque année les 50 euros d’investissement sur la seule culture de colza. Mais si on réussit à conserver un trèfle dense après le colza, il n’y a pas de problème pour le retour sur investissement, car le blé derrière profite de très bons reliquats azotés et d’une excellente structure du sol. »

30 ha blé, 15 ha colza, 10 ha maïs, 10 ha soja et élevage de canards prêts à gaver.