Davantage de voyants verts que rouges dans les systèmes culturaux Syppre

Arvalis, l’ITB et Terres Inovia jaugent l’impact de systèmes culturaux disruptifs sur neuf indicateurs de durabilité et dans cinq régions. Les résultats sont tangibles en matière réduction d’intrants. Il reste cinq ans pour convertir les indicateurs économiques... au vert. L'impasse glyphosate s’est aussi invitée sur les plateformes « crash-test ».

Du maïs sec dans les sols à très faible réserve utile du Berry, de la pomme de terre et de la betterave en non labour en Picardie, des couverts végétaux sur les coteaux arides du Lauragais (Occitanie) : tels sont quelques exemples de pratiques aventureuses mises en œuvre par les ingénieurs d’Arvalis, de l’ITB et Terres Inovia, dans le cadre du programme Syppre (Systèmes de production performants et respectueux de l'environnement).

Lancé en 2015, le projet repose notamment sur cinq plateformes expérimentales dispersées dans cinq régions distinctes couvrant un large éventail de systèmes de production végétale. Le programme se donne les moyens, en temps (2015-2025) et en surfaces (parcelles grandeurs nature de 5 ha à 10 ha) d’étudier en profondeur les incidences de la transition agroécologique, sur la base de neufs indicateurs, dont cinq concernent l’environnement (azote, IFT, GES, stockage de carbone et énergie). Deux indicateurs ciblent la rentabilité (marge directe par ha, EBE / UTH) et deux autres la productivité, analysée sous l’angle de la production et de l’efficience énergétiques.

Du vert et du rouge

Résultats à mi-parcours après trois campagnes complètes ? « Globalement, les neufs objectifs-cadre ne sont pas atteints, déclare Clotilde Toqué, chef du Pôle systèmes de cultures innovants et durabilité à Arvalis. Le contraire aurait été surprenant et justifie l’existence de ce programme. Certains résultats sont cependant prometteurs, s’agissant des cinq indicateurs techniques et environnementaux qui, à quelques exceptions près, sont en voie d’amélioration. Au plan de la rentabilité, les systèmes ne sont pas encore au point, ce qui s’explique par des défauts de maîtrise technique et/ou l’introduction de cultures peu valorisées. A titre d’exemple, on peut citer l’implantation d’un couvert de trèfle dans le système de monoculture du maïs en sols humifères dans le Béarn mais qui s’est avéré trop compétitif vis à vis de la culture ».

Dans les années à venir, outre les progrès en terme de maîtrise technique, les ingénieurs misent sur les bénéfices au long cours de la régulation naturelle sur certains parasites et donc sur les IFT.

Synthèse des résultats sur 9 indicateurs pour les années 2017, 2018 et 2019
Synthèse des résultats sur 9 indicateurs pour les années 2017, 2018 et 2019

Le glyphosate s’invite sur les plateformes

Depuis 2018, suite à la trajectoire glyphosate énoncée par le président de la République, l’herbicide, ou plus exactement le moyen de s’en passer, s’est invité sur les plateformes « crash-test » Syppre. Le recul fait encore largement défaut mais là encore, il y a du positif et du négatif.

« Dans le système innovant du Lauragais, le tournesol a pu être semé en direct derrière couvert, sans glyphosate deux années de suite », relate Clotilde Toqué. Il a été nécessaire de passer un outil à dents pour finir d’éliminer le ray-grass qui s’était développé dans le couvert de féverole/phacélie, et qui avait résisté à un premier passage de rouleau. Dans les conditions du printemps 2019, et 2020 cette alternative s’est avérée d’une bonne efficacité sans pouvoir encore juger de l’effet positif sur la structure du sol et l’érosion. Par ailleurs, il reste nécessaire de vérifier la reproductibilité de l’expérience, et de chiffrer le coût de l’alternative mécanique d’un point de vue économique et des émissions de GES ».

Dans le Béarn, l’herbicide a en revanche dû être appelé en renfort des alternatives à la monoculture du maïs. Dans le Berry, c’est le labour qui a été appelé à la rescousse pour gérer l’enherbement induit par les fortes pluies l’automne 2019, avant le semis des céréales, prévu au départ en semis direct.

Les agriculteurs impliqués

Les ingénieurs mobilisés sur les cinq plateformes disposent encore de cinq années devant eux pour peaufiner les itinéraires techniques et si possible faire passer dans le vert les neuf indicateurs transverses de performance. « Un autre défi attend les instituts techniques impliqués et consistant à assurer le transfert des acquis auprès des agriculteurs des cinq régions concernées et bien entendu au-delà, indique Vincent Laudinat, directeur de l’ITB. Cet aspect fait partie intégrante du programme Syppre, qui outre les plateformes expérimentales et les observatoires des pratiques, s’appuient aussi sur des groupes d’agriculteurs pour essaimer sinon pour s’inspirer de leurs propres expériences et être en prise avec la réalité ». Le site internet dédié Syppre participe de cette mission de transfert.