Des génisses laitières élevées sous nourrices

Gain de temps pour l'éleveur, bonne croissance des animaux, valorisation de prairies excentrées... Élever ses génisses de renouvellement sous nourrices présente de nombreux avantages. Le point sur la technique, témoignage à l'appui.

Jean-Philippe Guines, installé avec son frère sur 130 ha et 110 vaches laitières à Saint-Marc-sur-Couesnon (Ille-et-Vilaine), a terminé sa conversion bio le 1er février 2020. Pour la deuxième année, ses génisses de renouvellement ont été élevées par des vaches nourrices. « En passant en bio, nous voulions continuer les vêlages à deux ans sans acheter d'aliment, explique l'éleveur. Il fallait distribuer beaucoup de lait : 8 litres par veau par jour au moins les trois premiers mois. Donc autant mettre les veaux sous les vaches et les faire pâturer dans des parcelles non accessibles aux vaches traites ».

Vêlages groupés obligatoires

Ce choix, possible chez Jean-Philippe Guines, ne l'est pas partout. « Le premier prérequis, c'est d'avoir des vêlages groupés, pour avoir des lots homogènes, et constituer un troupeau de plusieurs vaches », résume Stéphane Boulent, conseiller en agriculture biologique à la Chambre d'agriculture de Bretagne. L'idéal, ce sont des vêlages sur un mois à un mois et demi. Le risque étant sinon que les veaux plus âgés volent le lait aux plus petits. « C'est possible au printemps et à l'automne, explique le conseiller, mais souvent la technique est utilisée pour des vêlages de printemps, la gestion étant plus facile car les vaches sont au pré ».

"En deux saisons, nous n'avons eu aucun veau à soigner"

Pour Stéphane Boulent, l'intérêt principal pour les éleveurs est le gain de temps. « La mise en place des troupeaux peut prendre du temps mais ensuite il n'y a plus qu'à gérer les paddocks ». Avec deux ans de recul, Jean-Philippe Guines est très satisfait de son choix. « Outre l'économie de temps, on voit un intérêt sanitaire : en deux saisons, nous n'avons eu aucun veau à soigner. Il n'y a pas de problème de diarrhées, car les veaux se régulent tout seuls quand ils ont trop bu ».  Sa seule appréhension, c'était d'avoir des génisses plus sauvages. L'expérience l'a rassuré. « Les premiers mois, il faut être là tous les jours. Les nourrices sont habituées avec la traite, elles viennent nous voir. Les génisses seront aussi proches de l'homme, voir plus ».

Bien gérer la période d'adoption

En pratique, « les veaux restent souvent 24 à 48 heures avec leur mère pour avoir le colostrum, développe Stéphane Boulent. Ensuite, ils passent en case individuelle, puis en cas collective. Après, en général, une nourrice est proposée à trois veaux ». Pendant cette période d'adoption, il faut voir si la mère accepte les veaux, et s'ils tètent. Chez Jean-Philippe Guines, ils sont ensembles dans un box pendant une semaine, « pour être sûr que cela se passe bien ». Ensuite, la nourrice et les veaux basculent avec celles dont l'adoption est déjà faite, dans un paddock avec accès au bâtiment. Ses vêlages débutent mi-février, et au 1er avril, le troupeau est emmené dans une parcelle à 1,5 km. Les nourrices ne sont pas complémentées. « Mais si besoin, il ne faut pas hésiter », ajoute Stéphane Boulent.

Jean-Philippe Guines choisit ses nourrices parmi des vaches calmes, destinées à la réforme car trop vieilles, ou avec des cellules. « C'est tout à fait possible de les faire ensuite repartir à la reproduction pour un autre cycle en nourrice », ajoute Stéphane Boulent. Il préconise pour l'adoption de ne pas faire la dernière traite avant présentation au veau, qui lui-même aura sauté son dernier repas. « Après, il arrive qu'il faille changer de vache au bout de deux jours. Il ne faut pas s'obstiner », précise le conseiller.

Sevrage progressif

Côté parasitisme pour les veaux, « il n'y en a pas plus de problème sous nourrice », indique Stéphane Boulent. Et les taux de croissance sont pour lui au moins équivalent aux veaux soignés au seau. Heureusement, car la technique nécessite des vêlages à 24 mois, donc une mise à la reproduction à 15 mois. « Il faut une croissance soutenue pendant les six premiers mois », rappelle le conseiller.

Le sevrage se fait généralement au bout de 6 à 10 mois, de façon progressive. « Souvent les mères sont retirées petit à petit du troupeau, ou rentrées en bâtiment, et les vaches et veaux sont séparés la journée, mais se voient », illustre Stéphane Boulent. Chez Jean-Philippe Guines, le sevrage a commencé fin septembre, et durera deux mois. Tous les 15 jours, il enlève deux à trois vaches. « Et quand j'enlève les dernières, les veaux meuglent peu », rapporte l'éleveur.