« Des récoltes comme ça, j'en fais une tous les dix ans »

La qualité des fourrages est le premier levier de performance d'un troupeau laitier. Cette année, avec les belles récoltes de maïs ensilage qui s'annoncent, les éleveurs devraient avoir une occasion de constituer de stocks de qualité. Une aubaine au vu du prix des aliments qui va être élevé. Reportage sur l'ensilage au Gaec de la Bellerie, à Nort-sur-Erdre (44).

« Une année à maïs, c'est une année où les touristes disent que l'été est pourri », s'amuse Dominique Denort, éleveur laitier au Gaec de la Bellerie, à Nort-sur-Erdre, en Loire-Atlantique. Si les vacanciers de ce département ont fait grise mine, ce n'est pas le cas du maïs, qui a bien profité des pluies estivales.

De l'eau pour tous

En ce 3 septembre, dans la vaste parcelle située juste derrière la stabulation de ses 65 vaches laitières, Dominique Denort se réjouit de récolter son maïs « qui fait 3 mètres de haut et a de beaux épis ». « Des récoltes comme ça, j'en fais une tous les dix ans ». L'éleveur dispose en effet de terres sableuses, à petite réserve hydrique, qui sèchent vite. Il sème généralement à petite densité, « pour favoriser l'épi », mais ses terres sont parfois très limitantes : « Il y a trois ans, je n'ai fait que 7 tonnes de matière sèche par hectare. Cette année, je pense avoir dans les 15 tonnes. Mes collègues, plus au nord, qui ont eu plus d'eau et des terres plus profondes vont sûrement faire 20 tonnes par hectare ».

Le cru 2021 du maïs s'annonce donc excellent, malgré quelques attaques de corbeaux au semis (le 15 avril) et de sérieuses menaces de taupins à l'implantation : « C'est souvent le cas après une prairie, je traite mais ce n'est pas efficace à 100 % ». Les sangliers sont également passés dans les champs de maïs, mais, comme c'est souvent le cas, ce n'est qu'à la récolte que les dégâts sont visibles : les suidés, très malins, se servent généralement au cœur de la parcelle. Heureusement, sans conséquences importantes cette année au Gaec de la Bellerie.

En ce début du mois de septembre, une grande partie des 27 hectares de maïs de l'exploitation sont mûrs à point (photo Catherine Perrot).

Tout s'accélère

Si le maïs a pris son temps pour grandir durant l'été, les chaleurs de fin août-début septembre l'ont fait mûrir très vite. En ce début du mois de septembre, une grande partie des 27 hectares de maïs de l'exploitation sont mûrs à point : « Ces derniers jours, ça allait très vite ! Parfois, je constatais une différence de maturité entre le matin et le soir ».

Agriculteur du genre « pointu », Dominique Denort ne voulait pas prendre le risque de laisser passer la date optimale de récolte. En plus de sa propre appréciation, l'éleveur s'est rendu avec trois pieds de maïs à l'une des « journées matières sèches » organisées par Seenovia, son organisme de conseil en élevage. Après analyse rapide de son maïs, il a eu confirmation que le jour J était le 3 septembre.

Les ensilages de maïs ont démarré depuis quelques jours en France. Dans l'ensemble, la récolte s'annonce supérieure à la moyenne. (Photo Catherine Perrot)

Un des jours les plus importants de l'année

« J'ai réservé tout il y a une semaine : l'entrepreneur de travaux, Agri-Ouest, les remorques à la Cuma, le salarié de l'association de remplacement ». Deux agriculteurs voisins sont également mobilisés pour le chantier, aux côtés de Christophe, le frère et associé de Dominique et de leur jeune apprenti. « C'est l'un des jours les plus importants de l'année, et il y a toujours un peu de stress », reconnaît Dominique Denort, « mais plus on est nombreux, moins on a de pression ».

« Le poste le plus difficile c'est la confection du silo », assure Dominique Denort, qui, lui, conduit une des quatre remorques entre le champ et le silo. « C'est pour cela qu'on a mis les deux plus âgés », plaisante-t-il. Christophe, associé du Gaec, et Laurent, agriculteur voisin, ne chôment pas en effet sur leurs deux tracteurs : ils tassent sans relâche l'ensilage, « afin, d'en chasser tout l'oxygène et permettre aux fermentations anaérobies de bien se produire ». « Pas question de perdre une récolte avec un silo mal fait ».

« Le meilleur conservateur de l'ensilage, c'est le soin apporté à la confection du tas » : tout doit être mis en œuvre pour chasser l'oxygène et assurer les fermentations anaérobies. (Photo Catherine Perrot)

L’année pour refaire ses stocks

Au vu des bons rendements, les 27 hectares semés en maïs ne seront pas tous récoltés en ensilage : « Nous allons remplir nos silos et le reste sera vendu en grain ». « C'est l'année ou jamais pour faire des stocks, assure l'éleveur, car nous avons la quantité et la qualité ». Cet ensilage de qualité est destiné au troupeau laitier de 65 vaches du Gaec, qui produit 600 000 l de lait par an. « Cette année, nous avons décidé de concentrer en énergie l'ensilage, et donc de régler à 40 cm la hauteur de coupe », décrit Dominique Denort. « La qualité des fourrages constitue le premier levier de performance économique de l'atelier laitier. Avec un ensilage de cette qualité, nous utiliserons moins de concentrés. C'est d'autant plus important qu'ils seront chers cette année ».

Un bon cru mais quelques points de vigilance

Au vu des parcelles qu'il a visitées et des premiers résultats d'analyse de maïs, Denis Denion, expert nutrition chez Seenovia, organisme de conseil intervenant sur les Pays de la Loire et la Charente-Maritime, confirme que « la récolte 2021 sera supérieure à la moyenne en quantité et en qualité ». Par rapport à l'an dernier, les maïs ont fait moins de cellulose, car ils n'ont pas subi de stress estival, « il faudra donc sécuriser la fibre dans la ration ». Les épis sont bien présents, mais pas toujours complètement remplis. La qualité peut donc être variable. La décision de concentrer l'ensilage pour réduire les concentrés, comme le fait Dominique Denort, « doit être réfléchie en fonction des stocks. Si on est à l'aise, on peut le faire ».

La récolte de Dominique Denort se situe parmi les plus précoces de la région, elle-même une des plus précoces en France selon Arvalis. Le gros des ensilages devrait se faire dans les jours et semaines à venir, avec cependant le risque que certains maïs soient récoltés un peu tard pour la maturité du grain : « Si les grains sont au stade vitreux, ils seront plus durs. Il faut donc demander un réglage plus serré de l'éclateur », prévient l'expert, qui précise que les silos de maïs avec grains plus durs seront à consommer plus tard dans la saison.

Dernier point de vigilance : en raison des conditions humides de l'été, la fusariose a pu se développer sur les tiges et les grains : « Il est raisonnable de faire analyser la quantité de mycotoxine dans l'ensilage », prévient Denis Denion, et, le cas échéant, prévoir des additifs anti-mycotoxines dans la ration.

Certains maïs portent des traces de fusariose (crédit photo : Denis Denion, Seenovia).