« Durcir la loi EGAlim et ne pas détricoter les aides spécifiques à l’élevage »

Alors que la loi EGAlim manque toujours à ses obligations, un deuxième front s’ouvre avec le Plan stratégique national préfigurant une baisse des aides animales couplées au profit des protéines végétales. Avant la journée de mobilisation du 25 mars, le point sur les deux dossiers avec Patrick Bénézit, éleveur dans le Cantal et secrétaire général-adjoint de la FNSEA.

Qu’est-ce qui est aujourd’hui sur la table, s’agissant des aides animales couplées pour la prochaine Pac ?

Patrick Bénézit : la proposition du ministère de l’Agriculture fait état d’une baisse de 17% budget alloué aux aides couplées animales au profit de la production de protéines végétales. Il est par ailleurs question de modifier les modalités des aides, avec la création d’une aide l’IUGB bovine, en remplacement des aides aux vaches allaitantes et aux vaches laitières, plafonnées à 100 UGB de plus de 16 mois et moyennant un chargement de 1,4 UGB par hectare de surfaces fourragère.

Patrick Bénézit, secrétaire général-adjoint de la FNSEA (Crédit photo : FNSEA)
Patrick Bénézit, secrétaire général-adjoint de la FNSEA (Crédit photo : FNSEA)

Quel serait l’impact pour les éleveurs allaitants ?

Patrick Bénézit : le budget alloué aux aides couplées serait amputé de 250 millions d’euros, ce qui se traduirait par une baisse des aides comprises entre 30% et 60% selon les exploitations. Sachant que les aides couplées représentent l’essentiel des 700 euros de revenus mensuels des éleveurs, je vous laisse imaginer le déménagement que produirait un tel scénario. C’est tout simplement inacceptable.

Qu’en est-il de l’ICHN ?

Patrick Bénézit : à ce stade, nous n’avons pas de proposition précise concernent l’ICHN. Mais s’agissant des aides couplées, comme de l’ICHN, il est inconcevable de retirer le moindre euro à une filière en crise, extrêmement fragile et qui a du mal à nourrir ses hommes. Il ne faut absolument pas toucher à l’ICHN qui a démontré, dans les zones de montagne et dans les zones défavorisées, ses bénéfices au service de l’économie dans les territoires et il ne faut pas toucher aux aides du premier pilier qui concerne toutes les zones d’élevage.

L’annonce récente d’une aide d’urgence de 60 millions d’euros satisfait-elle les éleveurs ?

Patrick Bénézit : d’un côté, on nous attribue ponctuellement une aide d’urgence de 60 millions d’euros et de l’autre, on nous retire durablement 250 millions d’euros. On refuse tout détricotage des aides spécifiques à l’élevage. Et plutôt que des aides d’urgence, on veut des prix, ce qui devrait être du ressort de loi EGAlim.

Qu’attendez-vous de l’État concernant la loi EGAlim ?

Patrick Bénézit : il faut impérativement durcir cette loi pour que les coûts de production soient réellement pris en compte dans les négociations. Des engagements ont été pris au début du quinquennat. La guerre des prix a bien cessé, de la valeur a été créée à hauteur de plusieurs milliards d’euros sauf que l’essentiel est retombé dans la poche des distributeurs, un peu des industriels, très peu des agriculteurs.

Un peu plus d’un an avant la fin de la législature, pensez-vous que le gouvernement va remettre la loi EGAlim sur l’ouvrage ?

Patrick Bénézit : des engagements ont été pris au début du quinquennat. Je ne dis pas que rien n’a été fait mais je dis qu’il reste encore beaucoup à faire. Le chef de l’État a pris des engagements à l’occasion d’une visite d’exploitation en février dernier en Côte d’Or.

L’État, qui multiplie les procédures contre les centrales d’achat, n’est-il pas à la manœuvre ?

Patrick Bénézit : les procédures prouvent que les centrales d’achat ne respectent pas la loi et je salue l’action de l’État. Mais cela ne résout pas le problème. Il faut durcir la loi EGAlim.

Que répondez-vous aux accusations concernant le prétendu manque de structuration de certaines filières ?

Patrick Bénézit : on peut sans doute progresser ici ou là mais dans beaucoup de secteurs, les organisations sont déjà très abouties, y compris en viande bovine avec la prépondérance des coopératives en matière de jeunes bovins et de broutards par exemple. C’est très facile pour la puissance publique d’appeler à la structuration mais d’envoyer la patrouille dès qu’il y a un début d’entente entre producteurs. On n’a pas beaucoup vu l’État à la manœuvre pour éviter la concentration de la grande distribution en quatre mastodontes.