Egalim : ces cantines qui renforcent le lien avec les agriculteurs locaux

Plusieurs collectivités en Loire-Atlantique ont noué des liens commerciaux avec les agriculteurs. Figures d'exception, ces cantines proposent une nourriture durable, qualitative et locale.

Installés depuis 4 ans en bio, Anne et Stéphane Fouquet produisent du blé tendre et des œufs à Allaire, entre Bretagne et Loire-Atlantique. Leur exploitation Pays’Ann transforme leurs produits en une gamme de pâtes aux œufs frais au nom éponyme de leur entreprise. 

Ils se sont fait surprendre par l’engouement suscité au sein des établissements de restauration scolaire pour ce produit. « Nous pensions initialement développer ce débouché au même niveau que la vente en Amap et les magasins spécialisés. Mais nous ne nous attendions pas à autant de demandes » se félicite Anne Fouquet. Un succès qu’elle met sur le compte des objectifs fixés par la loi Egalim. « Nos pâtes répondent à tous les critères. Ce sont des produits bio, frais, locaux et zéro déchet » assure-t-elle.

À quelques kilomètres au sud, la ferme de Mézerac sur la presqu’île Guérandaise, livre depuis 15 ans des seaux de yaourts et de fromage blanc à la restauration collective. Là aussi le constat sur la loi Egalim est positif. « Les commandes de la restauration collective sont plus importantes et plus régulières » témoigne Chantal Brière, associée au sein de l’exploitation.

Le Gaec les écureuils à Allaire produit Les pâtes fraîche aux œufs du Gaec les Ecureuils ©GaeclesEcureuils

Egalim : durabilité, qualité mais ne privilégie pas encore le local

Le label blanc bleu cœur, qui estampille les seaux de yaourt et de fromage blanc produits sur place, à la ferme de Mézerac, n’est pas reconnu parmi les critères d’approvisionnement durable de la loi Egalim. La dynamique ressentie par les deux exploitations illustre en réalité l’élan impulsé par ce nouveau cadre réglementaire à l’approvisionnement local en Loire-Atlantique, bien au-delà des critères de durabilité fixés par la loi. « Les objectifs de la loi Egalim parle de durabilité et pas de local. Pour autant, les deux vont logiquement ensemble. La loi va dans le même sens car elle invite à privilégier la fraîcheur » argue une animatrice du Réseau manger local en Loire-Atlantique.
De son côté, François Lalande, responsable de la restauration scolaire à la Turballe, regrette cette dissociation du durable et du local. « Je travaille avec un maraîcher en local, mais comme sa production n’entre pas dans les critères de durabilité, je ne peux pas le comptabiliser dans mes objectifs Egalim » retrace-t-il.

Le Gaec les écureuils à Allaire produit Les pâtes fraîche aux œufs du Gaec les Ecureuils fonctionnent bien en restauration collective. © GaeclesEcureuils

Une source de chiffre d'affaire considérable mais le cas par cas prédomine

Si la législation a permis aux élus, administratifs et chefs cuisinier de se pencher sur la provenance de leurs approvisionnements, elle ne permet pas à elle seule de créer le lien avec les producteurs locaux. C’est le travail de maillage à l’échelle des territoires par les collectivités qui est ici à l’œuvre. « Sans la volonté politique, l’envie du personnel en cuisine ne suffit pas » confirme François Lalande.

À la Turballe, l’enjeu de l'approvisionnement en local ne date pas d’hier. « Les premiers partenariats ont été mis en place en 2003/2004. Mais ça ne s’est pas fait en un jour. Nous avons développé la démarche au fur et à mesure des années » rapporte Isabelle Mahé, adjointe au maire déléguée à la jeunesse et à la vie scolaire, de la Turballe. Si au cas par cas, ce type de partenariat peut représenter des sommes modestes, à l’échelle d’un territoire, l’enjeu est considérable. En Loire-Atlantique, le chiffre d'affaires de la restauration collective représente 100 millions d’euros. Si 1 % de l’approvisionnement est réalisé en local, c’est 1
million d'euro qui revient aux professionnels du territoire. Une étude réalisée en 2017 par la collectivité mettait en évidence une envie de la part des chefs de cuisine de travailler en local, mais sans savoir à qui s’adresser. Pour y remédier, le département a créé le Réseau Manger Local. C'est pour y remédier, que le département, la Chambre d'agriculture et l'association des maires a créé le Réseau Manger Local. En parallèle, le département a développé au fil des années un annuaire regroupant 1700 contacts d’établissement de restauration collective et 400 profils de producteur. Il est également à l’origine d’un groupement de commandes ouvert aux établissements du département. Si cette échelle permet de massifier les commandes, elle doit également passer l’écueil des marchés publics. « C’est un faux argument pour ne pas travailler en local, assure une animatrice de réseau, il est possible de réaliser un sourcing des producteurs en amont et d’adapter le cahier des charges pour ne pas les exclure, voire même correspondre à leur production ». Elle évoque le cas d’un producteur de pomme qui produirait des variétés spécifiques. Tout l’enjeu reviendrait donc à spécifier ces variétés dans le cahier des charges. « Il est également possible de s’appuyer sur les critères fraîcheur et gustatif » précise-t-elle.

Les communes à pied d’œuvre

À leur échelle, les communes ont également un intérêt à développer des partenariats locaux pour reprendre en main l’approvisionnement du restaurant scolaire communal et atteindre les objectifs de durabilité fixés par la loi. « De plus en plus de commune arrêtent les contrats de régie pour reprendre en main le fait maison » commente François Lalande. L’enjeu est économique pour le territoire, mais il représente également une question d’image pour les municipalités. « Afin de créer une dynamique attractive pour les enfants et les familles sur la commune, nous misons sur le bien-vivre et le restaurant scolaire occupe une place centrale dans cette politique » rapporte Raphaël Thiollier, adjoint jeunesses et solidarités du Pouliguen, sur le littoral au Nord de la Loire du département.

La cuisine du Pouliguen s’est équipée pour optimiser les légumes livrés par Benoit Eon. ©Y.Blandeau

Ces partenariats ultra locaux sont d’autant plus faciles à mettre en œuvre que sous la barre seuil des 40 000€ de commande, le gré à gré prend le pas sur la mise en œuvre de marché public. « En nous approvisionnant auprès de la ferme de Mézérac, cela nous permet d’être certain de la qualité des produits laitiers » témoigne Raphaël Thiollier. Cette commune a pris l’initiative de travailler avec un maraîcher, deux exploitations laitières et un producteur de bœuf et de veau en local. Arrivé en juin dernier, Yannick Blandeau, chef cuisinier du restaurant scolaire de la ville poursuit la dynamique impulsée. « Dernièrement, j’ai fait des pâtes carbonara avec les pâtes aux œufs frais de Pays’Ann. Sur l’ensemble du repas, j’ai eu moins de 13g par enfant de déchet » se félicite-t-il.

Un impact à nuancer pour l’agriculture locale

Si l’envie de local de la restauration collective est prometteuse, ce débouché a encore du mal à se positionner de manière forte et structurée auprès des producteurs. « Je travaille avec 4 établissements, mais la vente directe au particulier reste majoritaire sur mon exploitation » témoigne Benoit Eon, maraîcher bio à côté de Guérande. Le producteur reste très prudent face à cette clientèle particulière. « Je livrais un établissement pour lequel les commandes se sont rapidement arrêtées le jour ou le chef de cuisine a changé » se souvient-il. Pour Eric Pithon, conseiller en développement territorial à la chambre d’agriculture, la mise en œuvre d’un plan alimentaire territorial (PAT) a changé la donne en permettant de se projeter sur un travail de structuration à long terme, mais cette démarche n’en est qu'au frémissement. « À partir d’un certain volume, il y aura une vraie
construction de filière avec une organisation globale des maraîchers afin de livrer des gros volumes à la restauration collective, mais aussi commerciale
 » projette le conseiller.
 

Dans le prochain volet sur Egalim à paraître sur Pleinchamp, Eric Pithon, mais aussi des chefs et des producteurs témoigneront des méthodologies qu’ils ont mises en œuvre en concertation afin d’établir ces partenariats gagnant-gagnant dans la durée.