"Mes limousines laissent échapper beaucoup moins de gaz"

Éleveur de limousines à Saint-M’Hervé (Ille-et-Vilaine), Julien Boulet a complètement remodelé son système d’élevage. L’arrêt des bœufs au profit de jeunes vaches et de veaux a permis de diminuer les émissions de gaz tandis que la séquestration de CO2 était amplifiée dans des haies et dans plus de prairies mieux gérées. A revenu égal, il a réduit son empreinte carbone de 38 %.

Ce n'est pas un parc d'automobiles de luxe – des limousines – que Julien Boulet bichonne quotidiennement mais des limousines - des vaches – qui paissent dans ses parcs du Champ Dolent, en Ille-et-Vilaine. Quant aux gaz en question, il s'agit bien entendu des gaz à effet de serre générés par les activités agricoles, à savoir les gaz entériques et les gaz inhérents aux intrants (engrais, aliments, carburant...).

Le jeune éleveur, installé en 2014 sur l'exploitation de son oncle, est l'un des tout premiers à s'être engagé dans le programme Life Beef Carbon (Interbev, Institut de l'élevage) visant à réduire l'empreinte carbone des bovins viande de 15% sur la période 2015-2025 (voir encadré). « Julien Boulet a largement atteint l'objectif avec une réduction de 38% de son empreinte nette carbone, en l'espace quelques années seulement », relate Frédéric Guy, conseiller bovin viande à la Chambre d'agriculture de Bretagne, à l'occasion de l'une des conférences consacrées à la décarbonation de l'élevage au Space.

Plus de viande, moins de carbone

Lorsque le conseiller frappe à sa porte en 2015, le jeune éleveur, à peine installé, est en pleine remise en question : la qualité de la viande issue de ses bœufs de 36 mois ne le satisfait pas totalement. Or il en vend une partie en vente directe, en Bretagne ainsi qu'en région parisienne, une clientèle qu'il ne peut se permettre de décevoir. « Ce débouché de vente directe m'avait été cédé par un éleveur prenant sa retraite », explique Julien Boulet. « Je pense que je pêchais au niveau de la finition mais économiquement, je me demande comment l'ancien éleveur rentabilisait son atelier, qui devait se fondre avec d'autres produits de l'exploitation ».

Julien Boulet, lui, ne peut compter que sur la viande. Il décide alors d'opérer un virage à 180°, en arrêtant la production de bœufs au profit de jeunes vaches, de veaux et de broutards. Gustativement, il y retrouve ses petits. Quant au bilan carbone, c'est le jour et la nuit. « Les vêlages annuels passent de 55 à 110, l'âge au 1er vêlage de 36 à 30 mois, les intervalles vêlage-vêlage de 395 à 375 jours et au final la production de viande vive de 240 kg/UGB à 350 kg/UGB », détaille Frédéric Guy. « Cet accroissement de la productivité a pour effet de diminuer les émissions de gaz à effet de serre par unité de viande produite. Mais le niveau d'émission a intrinsèquement baissé de 32%, du fait des prairies, dont la surface passe de 55 ha à 81 ha, et de 28 ha à 53 ha pour les seules prairies naturelles, sur une SAU de 100 ha ».

Optimisation du pâturage

Davantage de prairies, c'est moins d'engrais, moins de carburant, moins de concentrés. « Il y a une condition indispensable à la réussite du système », prévient Frédéric Guy. « C'est la maitrise du pâturage. Julien Boulet était déjà dans cette disposition avec la tenue d'un calendrier et d'un planning de pâturage. Il a conforté son expertise en suivant une formation dédiée ».

Davantage de prairies, c'est aussi davantage de séquestration de carbone : +13% entre l'avant et l'après. L'éleveur a également fait pousser des haies. Non comptés les bénéfices en biodiversité, les 5 ou 6 km de haies fournissent de l'ombrage aux animaux mais également du bois : la chaudière à fioul de l'habitation a cédé sa place à une chaudière à bois.

Bon pour l'environnement et pour l'image

Bilan final émissions / séquestration : l'Earl La Cerisais a réduit son empreinte carbone nette de 38%, pour s'établir à 12,6 kg éq CO2/kg de viande vive. « Aujourd'hui, j'ai des arguments tangibles vis-à-vis de mes clients ou de quiconque pour faire valoir la prise en compte de l'environnement dans mes pratiques », s'enorgueillit l'éleveur. Les changements opérés n'ont pas fait vaciller d'un iota la rentabilité économique de l'exploitation. Prochaine étape ? « Développer la vente directe pour pouvoir, à moyen terme, intégrer ma compagne dans l'exploitation ».