Un Sommet... d’inquiétudes

La 28ème édition du Sommet de l’élevage s’ouvre dans un contexte des plus moroses pour la filière bovine, sur fond de sécheresse des cours (d’eau et de marché) et d’accords commerciaux menaçants. La symptomatique décapitalisation n’est peut-être que la face immergée d’une dévitalisation rampante des territoires, la filière laitière en zone de montagne étant également défiée.

Des rendements céréaliers en baisse, des stocks fourragers d'ores et déjà entamés, une ultime et chiche récolte betteravière avant la fermeture de l'usine de Bourdon, la plus vieille sucrerie française (1836), hypothéquant 4.000 ha de cultures à valeur ajoutée et source de co-produits locaux pour l'alimentation animale et enfin des accords commerciaux qui font toujours l'actualité, malgré l'entrée en vigueur du premier (le Ceta) il y a maintenant plus de deux ans (le 21 septembre 2017) et l'enterrement du second (le Mercosur) par le président de la République le 23 août dernier, pour cause de reniements du Brésil sur ses engagements environnementaux. Voici quelques éléments, non exhaustifs, caractérisant la conjoncture à la veille de l'ouverture du Sommet de l'élevage à Cournon (Puy-de-Dôme). Et on ne parle pas des grands prédateurs.

Résultat : la décapitalisation est palpable. En août, les abattages de vaches allaitantes sont en hausse de 2,9 % sur un an, « probable conséquence de la sècheresse », notent les services statistiques du ministère de l'Agriculture. Le cours de la vache « R » est passé en deçà du niveau de 2018 et demeure significativement décroché de la moyenne 2014-2018.

Clause de sauvegarde

Le ministre de l'Agriculture, attendu le mercredi 2 octobre, sait à quoi s'en tenir. « On parlera de tout cela à Cournon, peut-être pas dans une ambiance aussi sereine », avait anticipé Didier Guillaume lors d'un discours le 10 septembre dernier au Space à Rennes (Ille-et-Vilaine). Nul doute que le ministre de l'Agriculture poursuivra son œuvre de démystification du Ceta, en évoquant « les 12 tonnes de bœuf importées en l'espace de deux ans », « les cinq à dix laboratoires européens labellisés pour réaliser les contrôles au Canada », « les 36 fermes canadiennes » concernées et labellisées, « les procédures de contrôle à l'entrée de l'UE ».

Le ministre s'était efforcé de donner des gages quant aux interrogations portant sur le recours aux farines animales. « On va tout regarder dans le détail », a dit Didier Guillaume. « Si ça ne va pas, le président de la République fera jouer la clause de sauvegarde ».

En attendant le vote du Sénat

A ce sujet, le 26 septembre dernier, le directeur de la Direction générale de l'alimentation (DGAL) a été auditionné par trois commissions sénatoriales, dans le cadre du groupe de travail de suivi des accords commerciaux. C'est du reste dans l'hémicycle du Sénat que va se jouer l'avenir du Ceta, où il sera soumis à la ratification dans les semaines à venir. Une délégation de la commission des affaires économiques du Sénat, présidée par Sophie Primas (LR), se rendra au Sommet de l'élevage mercredi 2 octobre. « Ce déplacement sera l'occasion de recueillir les observations des éleveurs présents sur la conjoncture ainsi que sur les premiers effets de la loi Egalim et de la signature d'accords de libre-échange sur leur filière », indique le Sénat.

Quant aux députés, qui ont ratifié l'accord le 23 juillet dernier, quatre de leurs représentants, dont Jean-Baptipte Moreau, (LREM), André Chassaigne (GDR), Jean-Yves Bony (LR) et François Ruffin (FI) vont rejouer le match à l'occasion d'un débat jeudi 3 octobre.

« La filière pas à la hauteur »

Au Space, le ministre de l'Agriculture n'était pas que sur la défensive. Il a aussi posé ses sabots dans la sèche prairie de la filière bovine. « Nous nous battons depuis dix-sept ans pour ouvrir les chemins de la Chine à l'exportation de porc et de bœuf », avait déclaré Didier Guillaume. « Au bout d'un an, on n'est pas capable d'exporter plus de 30 t de bœuf en Chine, alors je dis que nous ne sommes pas à la hauteur, je m'excuse de le dire très tranquillement. L'objectif que nous nous sommes fixé, c'est 2.000 tonnes dès l'année prochaine pour arriver à 15.000 tonnes ou 20.000 tonnes par an. Mais pour ça, il faut se réorganiser (...), il faut que tous les maillons de cette chaine bougent (...), je veux bien que l'on [les syndicats NDLR] se mette tous d'accord pour critiquer l'Etat et pour critiquer le Ceta mais moi je suis capable de dire que la filière n'est pas à la hauteur de l'enjeu pour faire remonter le revenu, pour faire remonter les prix, pour ses éleveurs ».

Lait de montagne

Si la filière bovins viande est mise à rude épreuve, la filière laitière n'est pas épargnée, notamment en zones de montagne où les handicaps naturels (topographie, climat, herbe majoritaire, tension foncière, surcoûts de production et de collecte) ne sont compensés, ni par le prix du lait, ni par les aides spécifiques. Dans le Massif central en particulier, la filière souffre d'une sous-représentation de la production et de la transformation sous AOP, laquelle ne concerne que 25% de la production quand elle atteint 75% dans le Jura ou en Savoie, avec les gages de valorisation dont elle est assortie. Le Cniel abordera le sujet à l'occasion d'une conférence le mercredi 2 octobre. Il y sera sûrement question de segmentation, de montée en gamme, d'attractivité et de sauvegarde de la vitalité des territoires.