« En 40 ans de métier, j’ai loupé les colzas une fois »

Jean-Luc Jourlin a connu la routine colza blé orge, quasiment sans accroc. Une rotation qui relève de la préhistoire pour son fils Valentin, mais pas envieux. Converti au semis direct, il attend 35 q/ha valorisés entre 480 €/t et 540 €/t, sans compter la prime GES. Même si 10 ha sur 60 ha ont dû être retournés faute de levée.

Le colza, c’était mieux avant ? Pas forcément. « Cette année, je pense que je devrais tourner autour de 35 q/ha contre 25 q/ha à 30 q/ha en moyenne. Mais j’attends de voir la récolte, on n’est jamais trop prudent ». Aux salon des Culturales, le 16 juin, Valentin Jourlin s’attarde sur les micro-parcelles de Terre Inovia, aux côtés son père Jean-Luc et son salarié Jean-Marc. Installé dans l’Yonne depuis sept ans, le jeune céréalier est avide d’infos et de conseils. L’exploitation ne peut pas faire sans le colza mais cette année, elle fera quand même sans colza sur la dizaine d’hectares où il n’a pas levé.

"Un semoir réglé et un chauffeur aux aguets à la moindre prévision de pluie"

Coutumier des turpitudes de l’espèce, à commencer par l’implantation, Valentin respecte à la lettre les conseils Terre Inovia : test bêche pour jauger la structure, semis précoce, semences exemptes de traitement pour favoriser la germination, fertilisation au semis. Sans oublier l’essentiel : les starting-blocks. Mais encore ? « Un semoir réglé et un chauffeur aux aguets à la moindre prévision de pluie ».

10 ha pas levés

Cette année, la recette a quand même échoué sur 10 ha où le colza n’a pas levé alors que l’ensemble de la sole, soit 60 ha, n’a pas dérogé au protocole. « Il y avait quand même une différence, analyse le céréalier. Les pailles n’avaient pas été exportées dans les parcelles en question. Je pense qu’elles ont consommé de l’azote et absorbé une partie de la pluie qui est tombée et qui a moins profité au colza ». Le colza est implanté en semis direct avec un semoir à dents.

Le deuxième gros écueil de la culture, à savoir la maîtrise des ravageurs, est moins problématique, y compris sans recourir aux plantes compagne. « Je n’en vois pas trop l’intérêt », confie le céréalier, qui s’est donné des gages en amont avec un semis précoce. « Mes voisins en font mais ça ne les empêche pas de faire leur Boravi. L’année dernière, sur 40 ha de colza, 20 ha n’avaient pas reçu d’insecticide. Je pense qu’il y a un facteur chance. Cette année, j’ai fait deux passages, tout en appliquant la méthode Berlèse ». La perspective d’un retrait éventuel du phosmet n’inquiète outre mesure le céréalier, qui espère que des dérogations seront ménagées.

Moins de colza mais mieux

L’exploitation est en cours de transition vers l’agriculture de conservation, qui suppose un allongement des rotations. « Le colza, j’en fais un peu moins mais mieux, confie le jeune céréalier. J’ai introduit du tournesol et du chanvre, même si c’est compliqué en semis direct ». Pour peaufiner ses techniques et son savoir, Valentin Jourlin est membre d’un GIEE. Il est aussi impliqué dans des groupes de semis direct.

"J’ai de la chance : c’est une année à pois de printemps"

Le colza devrait se maintenir autour de 60 ha sur un total de 500 ha. Aux rendements prometteurs s’ajoutent les cours stratosphériques. « J’ai déjà vendu une partie de ma récolte sur internet et auprès d’un négoce, au prix de 480 €/t et 540 €/t, sans compter la prime GES de 15 ou 20 €/t. Je n’ai jamais vendu à ce prix-là ». Le résultat sera malgré tout affecté par les 10 ha retournés. « J’ai juste perdu la semence et le passage du semoir, se console Valentin Jourlin. Et puis j’ai de la chance : c’est une année à pois de printemps ».