L’agriculture urbaine face à la réglementation

Statut, foncier, fiscalité, etc. Le concept d’agriculture urbaine soulève de nombreuses questions réglementaires

L'agriculture urbaine consiste en l'exercice d'activités agricoles en milieu urbain. Néanmoins, les formes de cette agriculture sont diverses et variées et posent de nombreuses questions juridiques. La première est de savoir s'il s'agit d'une acti­vité professionnelle ou d'une activité à vocation sociale et citoyenne. Si elle est professionnelle, la question est de savoir comment immatriculer ces entreprises au Centre de formalités des entreprises (CFE) et quel régime social leur appli­quer. L'affiliation à la Mutualité sociale agricole paraît envisageable, puisqu'il s'agit bien d'exploitations de culture et d'élevage relevant de ce régime, quelle que soit leur nature.

En lien avec la qualification d'activité professionnelle, il faudra aussi définir son régime fiscal. Rappelons que « sont considérés comme bénéfices agricoles, pour l'application de l'impôt sur le revenu, les revenus que l'exploitation des biens ruraux procure soit aux fermiers, métayers, soit aux propriétaires exploitants eux-mêmes. » La notion même de « biens ruraux » pose la question du régime d'im­position de l'agriculteur urbain.

 

Quelles aides pour les agriculteurs urbains ?

D'autres questions se posent, comme celle du type de baux sous lequel un agriculteur urbain peut exploiter son foncier. Par exemple, la location d'un étage d'un parking urbain pour cultiver des salades, dans lequel chaque étage est destiné à la culture maraîchère, est-elle soumise au statut du fermage ou est-elle une simple location d'immeuble ? À la lecture de l'article L.411-1 du Code rural, le bail rural semble pouvoir être applicable en ville. Il s'agit bien d'une « mise à disposition à titre onéreux d'un immeuble à usage agricole en vue de l'exploiter pour y exercer une activité agri­cole ». Actuellement pourtant, seuls des baux précaires sont mis en place, notamment avec les conventions de mise à disposition de l'espace public (par la mairie de Paris par exemple).

Plus prosaïquement, il faudra aussi savoir de quelles aides économiques peut bénéficier un agriculteur urbain. Un jeune agriculteur urbain disposant de la capacité agricole peut-il bénéfi­cier de la Dotation jeune agriculteur (DJA) ? Une relecture des fondements européens des régimes d'aides économiques sera probable­ment nécessaire.

 Un cadre juridique à expertiser.

 Enfin, et sans vraiment clôturer ces questions, les types de so­ciété utilisables pour structurer ces projets de­vront être expertisés. Les formes commerciales sont envisageables, les formes associatives sont déjà utilisées pour les projets à vocation sociale. Mais quel pourrait être le rôle des Gaec et EARL ?

En somme, cet état des lieux met en évidence le décalage entre les projets d'agriculture urbaine et le cadre juridique et fiscal de cette activité. Le sta­tut de l'agriculteur urbain doit être mis à l'étude et des aménagements réglementaires seront certai­nement à prévoir afin de ne pas freiner le dévelop­pement de ces nouvelles activités. Car coexistent aujourd'hui beaucoup de statuts différents, en fonction des objectifs de chacun (social, agricole, commercial, etc.), ainsi qu'autant de CFE diffé­rents, sans parler des obligations en matière de mise sur le marché ou d'étiquetage, qui restent peu connues.

Le droit devra rapidement se positionner sur les questions de l'agriculture urbaine par l'émission de nouveaux textes ou par la jurisprudence. Ces aménagements pourraient bénéficier plus géné­ralement aux agriculteurs " ruraux " dont les pro­jets sont de plus en plus diversifiés et interrogent aussi les frontières du droit rural.

Article : Victoria Timmerman - Gaec & Sociétés - JAMAG n° 751/2018