La prairie, un atout maître en TCS bio

Grâce au levier que représentent les prairies, les techniques culturales simplifiées (TCS) en bio sont plus abordables en polyculture-élevage que dans des systèmes en grandes cultures. Le point en questions sur le b.a.-ba de l'ABC, l'agriculture bio de conservation, cas pratiques à l'appui.

La réduction du travail du sol en bio pose trois problématiques principales : la maîtrise du salissement, la gestion des résidus pour le désherbage mécanique et la nutrition des plantes (minéralisation). « Quand le sol est travaillé, aéré, il se réchauffe : l'activité biologique des sols est bonne, assurant la nutrition des racines, rappelle Thomas Queuniet, animateur technique productions végétales au Civam (Centre d'Initiatives pour Valoriser l'Agriculture et Milieu rural) bio 53. D'où l'enjeu de conserver une minéralisation optimale quand on limite le travail du sol ».

A travers l'Hexagone, des agriculteurs testent des solutions, comme en Mayenne, avec un groupe Ecophyto Dephy animé par le Civam, ou en Vendée, où le Gab (Groupement d'Agriculteurs Biologiques) et la Chambre d'agriculture co-animent un groupe Ecophyto « 30 000 ». La Fnab et le Gab Vendée ont d'ailleurs réalisé une série de huit vidéos techniques, avec une bande annonce, sur le thème « Implanter une culture après une prairie sans labour et en bio, mission impossible ? », à travers le témoignage d'un producteur. 

> Quel est le principe de l'ABC ? Et quel intérêt ?

L'agriculture de conservation, en bio comme en conventionnel, repose sur trois piliers, comme l'explique Samuel Oheix, animateur technique en productions végétales au Gab Vendée : « Limitation du travail du sol, en profondeur et en fréquence, maximisation de la couverture du sol dans le temps et dans l'espace, et une diversification des cultures et des couverts ». Qu'ils soient TCistes intéressés par le bio ou bios voulant moins travailler le sol, les motivations des producteurs sont multiples : problèmes d'érosion, de battance, de portance, augmentation du taux de matière organique, structure du sol...

Pour les économies de carburant, c'est moins net. « Les passages superficiels sont moins consommateurs mais s'il faut les multiplier pour maintenir la propreté du terrain, on n'est pas si économe », nuance Samuel Oheix. Côté charge de travail, « on la répartit différemment, observe le conseiller, en commençant plus tôt la préparation de sol. »

Dans des systèmes au salissement bien maîtrisé, certains agriculteurs se contentent de semer leur méteil d'automne à la volée après un passage d'outil superficiel type rotovator, déchaumeur ou herse à paille, et complètent avec un deuxième passage.

Parmi les producteurs du groupe vendéen, Camille Martineau est installé à Saint Florent des Bois. Il exploite 110 hectares, avec 65 vaches laitières, et une activité de transformation à la ferme de millet et de sarrasin. Ces céréales représentent 8 hectares, le reste de la surface est dédié à l'élevage : 3 hectares de maïs, 1 hectare de betterave, 7 hectares de mélange céréalier récolté en grain, et 85 hectares de prairies, dont 20 naturelles. Depuis 6 ans, seuls les maïs et les prairies étaient labourées, et depuis 4 ans, il n'y a plus du tout de labour. « Cela n'avait pas de sens de travailler si profond, juge l'agriculteur. Et pour l'érosion, la battance, c'est mieux. On ne regrette pas. Economiquement, on ne gagne pas grand-chose car il y a un passage de plus par rapport au labour, mais ces passages demandent moins de carburant, et c'est bénéfique pour les sols ».

> Est-ce possible sur toutes les exploitations ?

Oui, mais le travail du sol peut être plus ou moins réduit selon le système. Les prairies sont un atout de taille. « Au-delà de 50 % de prairies dans la rotation, en nombre d'années, il n'y a pas trop de soucis, souligne Thomas Queuniet. On peut s'en servir comme curatif si la gestion des adventices devient compliquée, et après cinq ans de prairies, pour mettre une culture, on part d'un bon potentiel, avec une pression adventices réduite, notamment grâce à la fauche et au pâturage ».

« C'est une sorte de vide sanitaire », appuie Samuel Oheix. La présence de bovins permet d'ensiler une récolte en cas de salissement trop important. La question de la fertilisation est moins problématique en polyculture-élevage qu'en grandes cultures. Quant au type de sols sur la ferme, pour Thomas Queuniet, ce n'est pas un frein. Ni pour Michel Roesch, installé à Mussig (Bas-Rhin), et formateur en agriculture de conservation bio : « Je ne vois pas de contre-indication, après ce ne sera pas pareil dans un sol sableux et dans un sol argileux, car la température joue sur l'activité biologique des sols ».

> Quels sont les leviers principaux ?

L'idée centrale, c'est de maximiser la couverture du sol. En Mayenne, Thomas Queuniet met en avant le terme d'intensification végétale : « c'est le fait de faire plus d'engrais verts, de cultures associées, de relay-cropping, qui permet de limiter le travail du sol ». Contre les adventices, pour Michel Roesch, « la règle de base c'est que la lutte mécanique est inefficace seule. Il faut allier mécanique et biologique ». Il prend l'exemple du chardon dans du blé, que l'on peut affaiblir avec un couvert avant de biner.

> Faut-il du matériel particulier ?

Camille Martineau fait part de l'intérêt du rotovator, loué à un entrepreneur. « Il nous fallait deux passages de déchaumeur à disque pour un rotovator, et c'est plus efficace. Il scalpe bien toute la surface ». Il s'en sert notamment pour détruire les prairies, avant de passer un outil à dents 15 jours à trois semaines après. Le lit de semence est ensuite préparé à la herse rotative. « Le rotovator est un outil très apprécié en TCS bio, mais il peut y avoir besoin de le modifier pour le stabiliser sur quatre roues, accélérer la vitesse de rotation à 380 tours/min et améliorer le recoupement des pâles », confirme Samuel Oheix. La profondeur travaillée tourne autour de 1 à 3 centimètres. Pour le conseiller, le semoir semis direct est peu utilisé actuellement en TCS bio, car ensuite il n'est plus possible de désherber mécaniquement.

> Comment gérer les couverts ?

Outil indispensable pour moins travailler le sol, les couverts ne sont pas simples à réussir en pratique. « Notamment pour les intercultures courtes, entre juillet et octobre, pointe Samuel Oheix. D'où l'idée de semer avant la moisson, par exemple un trèfle en février-mars pour les producteurs pouvant désherber. Et dans les terrains trop humides, cela peut valoir le coup de semer à l'automne en même temps que les céréales. Mais c'est encore une technique à affiner ».

Camille Martineau, en Vendée, a tenté l'expérience au printemps : « On a toujours cette question sur les couverts d'été : est-ce qu'on sème derrière la moisson, ou est-ce qu'on attend. Souvent on attendait les pluies. Cette année j'ai semé deux hectares de trèfle dans du triticale en avril, il a bien pris, mais ce n'est pas toujours possible : un méteil, bien développé a tendance à étouffer la légumineuse ».

Reste ensuite sa destruction. En Alsace, pour détruire un couvert avant un semis de maïs, Michel Roesch commence par le rouler en hiver, avant de faire un mulch avec un déchaumeur à disques. D'autres préfèrent le rotovator pour son efficacité en travail superficiel.