[Interview] La réforme de la PAC sera-t-elle appliquée en 2021 ?

La politique agricole commune (PAC) entre dans une nouvelle phase, marquée par la volonté de répondre aux enjeux climatiques et environnementaux. Geoffroy Oudoire, chargé d’études économiques chez Arvalis, en précise les modalités.

Perspectives Agricoles : Où en est le processus de réforme de la PAC ?
Geoffroy Oudoire :
La réforme 2021-2027 devait entrer en vigueur en janvier prochain mais du retard a été pris. Le texte proposé par la Commission européenne en juin 2018 n’a pas pu être validé avant les élections de mai 2019. Les parlementaires européens, renouvelés à 60 %, ont ainsi recommencé l’étude de ce texte en vue de l’amender. Ces nouvelles discussions n’ont pas encore abouti. Les députés étaient notamment dans l’attente de connaître le cadre financier pluriannuel de l'Europe qui a été adopté en juillet ; ce ne sera pas le cas de la réforme de la PAC dont l’application n’est maintenant pas attendue avant janvier 2022, voire 2023.

 

P. A. : Le budget de la PAC sera-t-il maintenu à son niveau actuel ?
G.O. :
La proposition de mai 2018, pour les sept années à venir, s’élève à 365 milliards d’euros. Pour maintenir une capacité de financement équivalente à celle de 2014-2020, il faudrait augmenter le budget afin de compenser l’effet de l’inflation. Or le Brexit entraîne un manque à gagner de dix milliards d’euros par an. De plus, de nouvelles thématiques sont à financer : changement climatique, défense commune et immigration. Ainsi, les discussions ont longtemps porté sur l’augmentation de la contribution des 27 Etats-membres au budget européen. En même temps que le plan de relance, ils ont adopté le nouveau budget de la PAC qui s'élève à 386 Mds€ dont 62 Mds€ pour la France sur la période 2021-2027. Du fait de l'inflation, le budget est en baisse en euros constants par rapport à celui de 2014-2020.

 

P. A. : Comment le nouveau texte va-t-il se décliner ?
G.O. :
La réforme doit donner plus de flexibilité aux Etats-membres dans leur adaptation nationale de la PAC. Des transferts financiers plus importants pourront avoir lieu du premier vers le second pilier et inversement. En parallèle, la réforme impose désormais une obligation de résultat. Un plan stratégique national, ou PSN, devra être rédigé par chaque pays. Ce plan précise la manière d’atteindre les objectifs de la PAC. Un rapport de performance annuel devra être établi et des sanctions financières pourront être prises en cas de non-respect. A contrario, une prime de performance est prévue si les objectifs environnementaux et climatiques sont dépassés. En France, un projet de diagnostic a déjà été diffusé et un débat public visant à le compléter est en cours(1). Le compte rendu de ce débat est prévu à l’automne afin de présenter le PSN français à la Commission européenne en 2021.

 

P. A. : Quels sont les changements notables de la réforme ?
G.O. :
Dans le premier pilier, l’Eco-Scheme  remplace le paiement vert. Il introduit une aide supplémentaire pour les agriculteurs volontaires qui mettront en place des mesures climatiques et environnementales, différentes des MAEC(2) du second pilier et allant au-delà de l'écoconditionnalité. Chaque Etat doit établir une liste de mesures éligibles à ce financement. En France, ce pourrait être lié à l’obtention du niveau deux de la certification environnementale. L’autre évolution importante est le souhait d’une plus forte convergence des aides du premier pilier, à la fois entre les régions d’un même pays et entre les Etats-membres. Pour cela, les mécanismes de dégressivité des aides, de plafonnement et de paiement redistributif pourront être revus.


(1) https://www.debatpublic.fr/plan-strategique-national-pac-politique-agricole-commune
https://jeparticipe.impactons.debatpublic.fr
(2) Mesures agro-environnementales et climatiques